Ouverture du procès numéro 2


200 étudiants sont venus assister à la première audience du procès contre Khieu Samphan, Nuon Chea, Ieng Sary et Ieng Thirith. (Anne-Laure Porée)



Ils sont là tous les quatre, assis derrière leurs avocats : Khieu Samphan, ancien chef de l’Etat du Kampuchea démocratique, Nuon Chea, ancien bras droit de Pol Pot et pilier de l’appareil sécuritaire, Ieng Sary, ex-ministre des Affaires étrangères et sa femme Ieng Thirith, ex-ministre de l’Action sociale. Ils comparaissent pour génocide commis à l’encontre des Cham (population musulmane du Cambodge) et des Vietnamiens, ils devront répondre également de crimes contre l’humanité et violations graves des conventions de Genève.


Nuremberg à Phnom Penh

Pour le procureur international Andrew Cayley, ce procès, qui concerne plusieurs dirigeants en même temps, sera le plus important et le plus complexe depuis Nuremberg. «Le défi sera de tout faire pour qu’il soit rapide et qu’il satisfasse les victimes et leurs familles. Et le peuple cambodgien. Cette cour va soulever la question des circonstances de la mort de plus d’1,8 million de personnes. Une des pires catastrophes humaines du XXe siècle.»

La complexité du cas tient, selon le bureau du co-procureur, au nombre de crimes, à leur durée, au nombre de victimes, au nombre de témoins, à la quantité de preuves… A travers le jugement de ces dirigeants, l’idéologie du régime (qui a conduit à la déportation de population, à la famine, à la destruction de classe, aux exécutions massives, au travail et aux mariages forcés…) devrait être au cœur des débats… à partir de septembre. Car les audiences sur le fond ne débuteront pas avant la rentrée.


3 850 parties civiles

Dans ce procès d’envergure, les victimes sont représentées par 3 850 parties civiles, une première dans l’histoire de la justice pénale internationale. 1 747 dossiers avaient pourtant  été déboutés par le bureau des juges d’instruction mais la Chambre préliminaire a annoncé la réintégration de 1 728 personnes dans la procédure à deux jours de l’ouverture du procès. Le nombre de parties civiles démontre leur besoin de justice et prouve une certaine confiance dans le processus judiciaire. «A travers elles, c’est tout un pays qui va parler», note un observateur du tribunal. «Beaucoup de Cambodgiens ne disent pas ce qu’ils ont vécu. La voix des parties civiles et la qualité des témoignages est essentielle, elles doivent être écoutées pour reconstituer l’histoire commune car il n’y a rien à attendre du côté des accusés.»

De la même manière que le procès de Duch avait poussé à l’inscription d’un chapitre d’histoire sur le régime khmer rouge dans les programmes scolaires et libéré, au sein des familles, une parole contenue pendant plus de trente ans, le procès de ces dirigeants, beaucoup plus connus que Duch, devrait creuser le même sillon.