« Ce ne sont pas là les actes d’un homme qui a agi sous la contrainte mais les choix d’un révolutionnaire dévoué »

Cette phrase résume le point de vue des co-procureurs sur les responsabilités de Duch.

 

« Duch veut nous faire croire à son pouvoir limité, nominal, à sa participation sans enthousiasme, à son engagement réticent et sous la contrainte. Or l’accusé avait un pouvoir sans limites à S21. Tout le monde rendait compte de ses activités à Duch. Il ne passait pas ses journées à lire des confessions. » Le procureur Robert Petit rappelle que l’accusé formait à la torture. « Duch avait été missionné par le régime de sauvegarder le régime. Et il aurait placé sa vie entre les mains de ses subordonnés ? […] Il savait mieux que quiconque ce qui se passait au Kampuchea démocratique. »

Le flot de verbes coule pour décrire les fonctions et les pouvoirs de Duch : requérir, planifier, superviser, concevoir, ordonner, torturer, interroger, arrêter, détenir. « Il n’a pas agi pour empêcher les crimes commis à S21 », déclare Robert Petit avant de demander aux juges de bien vouloir considérer de nouveau l’Entreprise criminelle commune rejetée pourtant par la Chambre préliminaire.

Le procureur insiste : pourquoi examiner les faits s’ils sont reconnus ? « Même admis les faits doivent être jugés. » Le sentiment de Duch est-il authentique ? Duch réagit à cette questions prononcée en français par un sourire crispé. « Il faut que le remords soit établi à vos yeux », prévient Robert Petit. Les arguments pleuvent : évoquer M13 reste pertinent même si Duch ne sera pas jugé pour les crimes commis là-bas parce qu’à M13, Duch a pu « raffiner ses talents de chef de prison ». M13 fut un entraînement pour S21. Le directeur y a aussi mis en place le système d’archives. « Ce ne sont pas là les actes d’un homme qui a agi sous la contrainte mais les choix d’un révolutionnaire dévoué », plaide Robert Petit qui rappelle qu’après 1979, Duch continue de servir les Khmers rouges, lesquels l’envoient d’ailleurs en Chine entre 1986 et 1988. « Le droit n’admet pas qu’on ait commis de tels crimes par peur de perdre la vie. »

« Plutôt que victime de la peur, il a créé la peur. Plutôt que l’image de l’exécutant agissant contre son gré, il était celui qui jouissait de la confiance de ses supérieurs. Il a mis en œuvre la persécution du PCK [Parti communiste du Kampuchea] contre le peuple cambodgien. »

Les photographies d’identité des prisonniers de S21 défilent tandis que Robert Petit leur rend hommage : « Ces personnes avaient des noms, des histoires, des rêves… Avant de suivre le cheminement psychologique du bourreau, il faut d’abord reconnaître l’histoire de ces victimes. »

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