François Bizot face à son ancien geôlier


Duch, très attentif au récit de François Bizot. (Anne-Laure Porée)
Duch, très attentif au récit de François Bizot. (Anne-Laure Porée)


Il est venu raconter, à la demande de la cour, ses semaines de détention en 1971 dans le maquis khmer rouge, au camp M13, alors dirigé par Duch. Ce-dernier comparaît pour les crimes commis sous sa responsabilité entre 1975 et 1979 au centre de détention S21, version institutionnalisée et perfectionnée de M13.

François Bizot compte parmi les dix personnes que Duch affirme avoir relâché à M13.

Traitement de faveur

Pendant une journée et demie de témoignage, l’ethnologue a expliqué sur un ton monocorde son arrestation par les Khmers rouges qui le prenaient pour un agent de la CIA, et le quotidien  des détenus au camp M13 où étaient incarcérés, torturés et assassinés les « espions ». « Très vite, l’ambiance m’est apparue comme celle d’un camp dont on ne pouvait pas sortir vivant », se souvient-il. Cependant, au fil des interrogatoires, qui se déroulent sans brutalité, des liens se tissent entre lui et Duch. François Bizot bénéficie d’un traitement de faveur par rapport aux autres détenus, il a le droit de se baigner tous les jours, il mange du riz à sa faim, il reçoit même un cahier qu’il a conservé et exhibé devant les juges.

Un homme, pas un monstre

Quand Duch lui annonce sa libération en décembre 1971, François Bizot a du mal à y croire. « Le mensonge était l’oxygène que nous respirions », explique-t-il. Duch tient pourtant parole et à la veille du départ avoue à « son » Bizot (c’est l’expression que l’accusé utilise au procès) qu’il frappe parfois les prisonniers parce que c’est ce qu’on attend de lui. Le chercheur en restera ébranlé.

Aujourd’hui, François Bizot interprète que Duch n’aurait pas pu « faire marche arrière », que « sa marge de manoeuvre était nulle » et plaide pour son ancien geôlier, qu’il salue pendant les suspensions de séance : « Ce crime qui est le sien, pour en mesurer l’abomination, ce n’est certainement pas en faisant de Duch un monstre à part mais en lui reconnaissant cette humanité qui est la sienne comme la nôtre et qui n’a manifestement pas été un obstacle aux tueries qui ont été perpétrées. »

Pas de pardon possible

Au deuxième jour de son témoignage, comme pour rectifier l’ambiguïté de sa position, il redit « l’ambiance effrayante de peur et de mort » et déclare : « Essayer de comprendre, ce n’est pas vouloir pardonner. Il n’y a pas de pardon possible. Et le cri des victimes doit être entendu sans jamais penser qu’il puisse être excessif. Les mots les plus durs qu’on peut avoir contre l’accusé sont des mots qui ne seront jamais assez durs. »

Cependant François Bizot persiste à penser que Duch ne faisait qu’exécuter les ordres et que sa libération à lui révélait « une recherche passionnée de droiture morale ». Le témoignage du chercheur s’est clôt sur les remerciements de la Défense.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *