« L’unité des témoins et des experts ainsi que les co-procureurs ont mis au point une formule qui permet à la chambre d’éviter précisément ce qui s’est passé hier où le témoin se retrouve intimidé »

En ouverture de l’audience du 14 juillet 2009, la défense se réjouit de la présence à la cour d’un avocat pour le témoin Mam Nay. Cependant, elle émet « les plus expresses réserves sur le fait qu’il a été demandé à notre confrère de s’asseoir au même banc de la défense que nous-mêmes. Cela conduit à faire droit par anticipation à la demande du procureur de considérer monsieur Mam Nay comme un accusé. Si nous regardons la salle d’audience, monsieur Mam Nay est avec un avocat assis au même banc que la défense et monsieur Mam Nay est donc considéré comme un accusé. Il nous semble que cela n’est pas correct. »

Martine Jacquin, avocate du groupe 3 des parties civiles, soutient la position de la défense car Mam Nay est un témoin assisté. « [Nous pensons que son avocat doit] avoir une position proche du témoin et qu’il n’y ait pas une assimilation sur laquelle la défense pourrait facilement jouer quant à d’éventuelles interprétations vis-à-vis de monsieur Mam Nay. »


Le co-procureur William Smith intervient : « Je ne sais pas si le témoin avait conscience d’être perçu comme tel avant que la défense ne fasse la remarque. Il y a beaucoup de sièges vacants dans le prétoire et ce n’est pas la première chose qui me viendrait à l’esprit si j’étais moi-même témoin ». Pour le co-procureur, il appartient à la chambre de décider où l’avocat du témoin doit s’asseoir.


Il demande également la possibilité de soulever un autre point en réponse aux attaques de la veille par François Roux contre la notion d’entreprise criminelle commune : « La défense a dit hier que le témoin devait être pleinement informé de son droit à ne pas s’incriminer lui-même. Comme vous le savez, monsieur le président, il a bel et bien été informé par vous-mêmes avant l’objection de la défense, après quoi la défense s’est inquiétée de savoir si le témoin était pleinement conscient de ses droits. Puisque cette remarque a été faite, comme vous le savez, à la règle 28-8, il est dit qu’il ne convient pas de faire ce genre de remarque devant le témoin pour des raisons évidentes, deuxièmement ce genre de remarque doit être fait avant la déposition du témoin, et troisièmement c’est le genre de remarque qui pourrait être faite à huis-clos de sorte que l’on n’inquiète pas sans raison le public. Le témoin venant en l’occurrence de S21. Le témoin n’est pas le seul qui ait été membre du personnel de S21 comme garde ou interrogateur. Il faut donc que la procédure soit appliquée comme il convient pour ce qui est des garanties à respecter. »

William Smith souhaite que l’incident de la veille ne se reproduise pas avec les témoins à venir.

« L’unité des témoins et des experts ainsi que les co-procureurs ont mis au point une formule qui permet à la chambre de fournir l’assistance nécessaire aux témoins qui viennent de S21 pour éviter précisément ce qui s’est passé hier où le témoin se retrouve intimidé : on agite devant le témoin une menace de poursuites par les co-procureurs, une menace pourtant sans fondement. »


Le co-procureur reproche non seulement à la défense de soulever cette question en présence du témoin mais aussi de ne pas l’avoir avancée plus tôt. « La défense a attendu que le témoin soit à la barre pour soulever cette question alors que toutes les parties essayent de trouver une solution sous forme d’assistance juridique ». 


Puis William Smith déballe les arguments qu’il aurait dû donner hier, en pleine attaque contre la notion d’entreprise criminelle commune. « On nous dit que [si cette notion était reçue par la Chambre] cela modifierait la situation par rapport au témoin et que les assurances données par avance ne seraient plus valables. C’est un non-sens, sur le plan juridique, c’est faux. Il y a beaucoup de points doctrinaires, aider, encourager, planifier autant de concepts qui peuvent s’appliquer à toute personne ayant travaillé à S21. Là encore, c’est une éventualité qui risque très très peu de se concrétiser. » L’accusation définit cette observation comme non fondée et incorrecte. Elle devrait selon lui devrait être à l’avenir soulevée à huis-clos et en l’absence du témoin.


François Roux ne veut pas laisser cette observation sans réponse. « Nous ne sommes pas dans le cadre restreint de l’article 28 alinéa 9. Nous sommes au-delà. Il fallait également informer le témoin de la requête que les co-procureurs ont cru devoir déposer pour l’entreprise criminelle commune. C’est autre chose. Vous avez fait ce choix. Vous êtes d’ailleurs en train de nous expliquer que ce choix n’était peut-être pas nécessaire puisqu’il y aurait d’autres possibilités d’incriminer le témoin. Donc ma question est la suivante : maintenez-vous aujourd’hui votre demande de joint criminal entreprise ? » Il explique alors que si Duch était déclaré coupable au regard de l’entreprise criminelle conjointe, le témoin serait également déclaré coupable. Automatiquement.   


William Smith s’impatiente. « Je ne sais pas combien de fois il faut le dire. Que l’accusé soit déclaré coupable ou non cela n’a pas d’incidence sur d’éventuelles poursuites contre d’autres personnes ayant travaillé à S21. Il n’y a pas de lien entre le jugement que prononcera la chambre et d’autres poursuites devant d’autres tribunaux. Le fait est que l’éventualité de ces autres poursuites est très réduite. »


« Alors retirez votre demande de ECC  et nous serons tranquilles ! » lance François Roux.


Après le bras de fer entre le bureau des co-procureurs et la défense, la cour décide de ne pas changer l’avocat de Mam Nay de place. Nil Nonn, avec une pointe d’autorité (« la gestion de l’audience relève du seul pouvoir de la Chambre ») en profite pour remonter les bretelles des dissipés du prétoire qui parlent sans autorisation préalable du président.

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