Laisseriez-vous les victimes jouer les bourreaux ?

Le film* s’ouvre sur un gamin, micro en main qui interroge une grand-mère de son village :

– Dis grand-mère, je me demandais, à quoi ressemblaient les Pol Pot ?

– A n’importe qui d’entre nous mais ils se comportaient différemment.

– Où sont-ils aujourd’hui ?

– Ils sont partis, je ne sais pas où. Après la chute du régime, les leaders sont partis et ont laissé derrière eux leurs subordonnés. C’étaient des villageois comme nous mais ils étaient devenus des Pol Pot.

– Grand-mère, je me demandais pourquoi ils ont tué des Khmers ?

– Je ne sais pas. […] Ils ont suivi leur loi et leur loi c’était de tuer.


Aperçu historique

Après ce dialogue simple et vif, le documentaire s’attache dans une première partie, par le biais d’images d’archives, à résumer ce qui s’est passé entre 1975 et 1979 : la déportation de la population de Phnom Penh, l’installation dans les campagnes, le communisme agraire, les vêtements noirs, la séparation des familles. Les archives de la direction du cinéma cambodgienne montre un Pol Pot fringuant, avant que le Vietnam ne libère les Cambodgiens du joug khmer rouge. Des images de crânes, de charniers et un enfant triste et seul ont pour fonction de traduire le traumatisme de la population. Sont alors présentés les 5 responsables khmers rouges en détention au tribunal chargé de les juger. Enfin les aller-retour entre des photographies prises dans les cellules de détention du musée Tuol Sleng aujourd’hui et des images d’archives de 1979 montrant des cadavres sur les lits métalliques conduisent vers une nouvelle partie du film sur le Cambodge, trente ans après.


Des victimes dans tout le pays

Le réalisateur, Nou Va, 30 ans, témoigne dans ce film que de nombreux Cambodgiens ont attendu la justice. Il s’interroge sur le meilleur moyen pour le peuple de « gérer ce passé cruel ». Il cherche, caméra à l’épaule, les traces encore visibles du régime dans des pagodes que les Khmers rouges avaient transformées en prison. Traces de sang sur les murs. Il rencontre l’ancien prisonnier Chay Ghean qui lui montre comment il était attaché à un pilier de la pagode Ta Yeak, près de Siem Reap. Dans la province de Kratié, il questionne Uch Sunlay, dont la femme et les enfants ont été tués en 1978 et dont il sait qu’il ne retrouvera jamais le corps, emporté par les eaux du fleuve. D’un bout à l’autre du Cambodge existent des mémoires douloureuses mais Nou Va prévient : ceux qui apparaissent dans le film parlent quand tant d’autres préfèrent taire leurs souffrances. Or pour les réalisateurs, l’expression de ces souffrances est un mal nécessaire pour transmettre aux jeunes générations, ouvrir une forme de thérapie et franchir un pas vers l’apaisement.


Exprimer la douleur

C’est au village de Tnol Lok, dans la province de Takéo, qu’ils choisissent de travailler avec les habitants et de mettre à la disposition des volontaires différents moyens d’expression (dessin, peinture, photographie, vidéo) pour évoquer leurs pires souvenirs de la période khmère rouge. Au début, ils ont du mal à faire comprendre leur démarche. « Ce n’est pas facile de motiver les gens, explique Nou Va lors d’un débat au centre Bophana. Il faut qu’ils vous fassent confiance. Nous devions leur dire qui nous étions. » L’objectif, rappelle Ella Pugliese, était de les motiver à « faire quelque chose, à agir ». « L’art, le film, créent un espace très nouveau pour agir. L’idée était qu’ils parlent de ces choses très douloureuses d’une autre manière et qu’ils rendent cela public. »


Interpréter le rôle des bourreaux

Apparemment, les villageois racontent facilement. Certains dessinent, d’autres peignent. Les récits prennent forme. Puis le documentaire bascule. Les victimes décident de filmer les scènes de crimes et d’interpréter eux-mêmes les rôles, y compris ceux des anciens bourreaux. Les réalisateurs prennent alors la précaution d’informer le spectateur qu’ils ont réagi : « Nous ne sommes pas à Hollywood », ont-ils répliqué aux villageois. Sous-entendu le budget n’est pas celui d’un film d’acteurs. « Nous jouerons ! », assurent les survivants impliqués dans le projet, « pour informer les jeunes générations ». Dès lors il n’y a plus d’obstacle, plus de débat, plus d’opposition à ce que les anciennes victimes interprètent le rôle de leurs anciens bourreaux.

Lentement mais sûrement mon estomac se noue.


La représentation des crimes à tout prix

Plusieurs scènes sont présentées dans le documentaire : une escorte de prisonniers vers les charniers, l’arrestation d’un mari, d’un père. Les scènes d’exécutions des proches, mimées selon l’imaginaire des villageois puisqu’aucun n’y a jamais assisté, ne sont pas montées dans le documentaire. Mais on les voit jouer les moments tragiques de leur vie. D’ailleurs les répliques sonnent parfois faux, récitées.

Un malaise, mêlé de rage, m’envahit : je ne peux pas croire que ces villageois aient demandé à jouer les anciens bourreaux. Des juifs déportés auraient-ils proposé de jouer d’anciens nazis ? Je ne comprends pas que les réalisateurs aient accepté cela. Ella Pugliese explique que l’équipe a insisté auprès des villageois pour savoir ce qu’ils voulaient dans leur film. « Ils nous ont répondu : les crimes. »

Les réalisateurs proposent d’abord de dessiner ces crimes mais un villageois suggère de filmer et tout un groupe de victimes récupère plus tard cette idée de filmer les tueries. « C’est vraiment comme ça que ça s’est passé » jure-t-elle en reconnaissant que la démarche, au départ, a un peu effrayé l’équipe.


Un tournage, ça se prépare

Mais ils laissent faire. Discutent-ils avec les villageois du fond du problème ? Le film ne le dit pas. Il montre le groupe d’habitants préparant le tournage : dessin du script, frottage des sandales modernes au charbon pour rappeler les sandales en pneu des Khmers rouges, nouage du krama autour du cou à la mode Pol Pot… Nul doute que tout ce processus prend du temps. Mais à l’heure du débat, Ella Pugliese raconte un moment du tournage où les villageois avaient décidé d’une scène avec tant de détermination que l’équipe a dû les suivre en courant pour filmer. « C’était absolument spontané et hors de notre contrôle », se souvient-elle. La spontanéité des autres abstient-elle de débattre des enjeux, ou d’imaginer d’autres formes de récits ?


Se dédouaner d’un choix

L’argument massue, c’est surtout que l’idée vient des villageois eux-mêmes et que ça leur fait du bien. « Je ne pense pas que ce soit mauvais, explique Ella Pugliese. La femme qui a perdu son père sous les Khmers rouges, quand elle imagine où et comment il est mort, c’est un moyen pour elle de rendre cette mort concrète alors qu’elle n’a jamais retrouvé le corps de son père. C’est une forme de reconstruction. » Je passe sur la caution morale du conseiller en psychologie qui était présent aux différentes étapes de réalisation du film. Pour Julian, un autre intervenant du débat, la proposition des villageois n’a rien de surprenante, « le film est un moyen, un support offert pour raconter des histoires. C’est quelque chose qui se pratique couramment dans d’autres pays. »

Je reste imperméable à cet argument de si ça se fait ailleurs c’est que c’est bien… Je maintiens que les réalisateurs ne devraient pas se dédouaner de leur choix, car il s’agit bien de leur choix. Les villageois ne sont pas crédités comme co-réalisateurs du documentaire.


Devoir de refuser

A la sortie du débat, j’ai une pensée fugitive pour les trois survivants de S21, Chum Mey, Bou Meng, Vann Nath. Je me dis que même s’ils avaient exprimé le désir de retrouver leurs chaînes, à S21, comme au temps des Khmers rouges, pour convaincre les jeunes générations de leur histoire, jamais je n’aurais accepté de les filmer ainsi. Il est des choses qu’il est de notre devoir de refuser.


L’influence de l’écran

De toute évidence, la réalisation de ce documentaire a ouvert au village une brèche dans le silence sur la période khmère rouge et a permis à différentes générations de tisser un lien autour de cette histoire. Ce que ne dit pas le film, c’est que des organisations travaillent avec la population depuis plusieurs années déjà sur le sujet.

Les habitants, sollicités pour produire leurs images, leurs histoires, les voient projetées au fur et à mesure devant toute la communauté villageoise. Les extraits des arrestations par de faux Khmers rouges, les dialogues surjoués produisent paradoxalement un effet de vérité. « Maintenant, nous vous croyons, nous savons que vous n’avez pas inventé. » Les victimes apparaissent soulagées, elles sont enfin crues. Le réalisateur Nou Va, nous apprend qu’il a aussi eu un effet bénéfique sur les relations entre les enfants des anciens Khmers rouges et les familles des victimes parce que les enfants des anciens Khmers rouges ont entendu et vu à l’écran les déclarations des anciens qui refusent la vengeance : « Nous ne voulons pas être des meurtriers, nous ne voulons pas la guerre ».



* Ce film « We want (u) to know » a été soutenu par l’Institut khmer pour la démocratie (KID), qui s’investit depuis longtemps dans les campagnes de sensibilisation autour du tribunal et par la Deustscher Entwicklungsdienst (Ded), le Service de développement allemand, un des bras de la coopération allemande.

« Je souhaitais que la nuit
ne vienne pas »

La nuit, le soir, minuit. C’étaient des heures propices pour tuer selon cet habitant de Tnol Lok, un village situé près de Takéo. Bien sûr les hommes disparaissaient aussi le jour, emmenés par les Khmers rouges. Mais à la tombée de la nuit, ce témoin raconte comment l’angoisse s’accentuait. Dans le documentaire d’Ella Pugliese et Nou Va, « We want (u) to know », il avoue cette sourde peur quotidienne : « Je souhaitais que la nuit ne vienne pas ».


Les images possibles et impossibles du tribunal


Le tribunal a autorisé les prises de vue dans la salle du public seulement une fois, le 17 février 2009. (POOL CETC-Reuters)
Le tribunal a autorisé les prises de vue dans la salle du public seulement une fois, le 17 février 2009. (POOL CETC-Reuters)


Loin de Phnom Penh

Le tribunal a été construit à Kambol, en périphérie de Phnom Penh, au-delà de l’aéroport, à 16 km environ du centre-ville, sur un terrain de l’état-major cambodgien. Il faut compter autour de 45 mn pour s’y rendre en moto sans forcer sur l’accélérateur et en tenant compte d’une circulation dense aux heures matinales. Le retour peut prendre bien plus longtemps pour toutes sortes de raisons : l’orage de mousson a la fâcheuse tendance d’éclater sur le coup de 16h30-17 heures, à la sortie de l’audience, empêchant les motocyclistes de reprendre la route. Pour ceux qui repartent en voiture vers la capitale, la barre des 17 heures est fatidique pour éviter les embouteillages monstres de la capitale.  Le tribunal met à disposition un bus pour le public mais si seules une ou deux personnes s’inscrivent, le transport public n’aura pas lieu. Dans ce cas, l’aller simple coûtera entre 5 et 15 dollars, ce qui n’est évidemment pas à la portée du premier Cambodgien venu.



Le tribunal vu depuis le bâtiment où travaillent les magistrats, les avocats, l'administration... (Anne-Laure Porée)
Le tribunal vu depuis le bâtiment où travaillent les magistrats, les avocats, l'administration... (Anne-Laure Porée)



Les arènes de Kambol

Ce tribunal ressemble à un théâtre. Les arènes de Kambol est un nom qui conviendrait bien. A gauche de la scène siègent les co-procureurs, en robe violet sombre et les nombreux avocats des parties civiles, vêtus de noir. A droite, la défense. Face au public, sur une estrade sont assis les juges, dans leur robe rouge. Sous eux, les greffiers, dans un violet plus vif que celui des co-procureurs. Les juges entrent invariablement par les coulisses à gauche de la scène, « côté jardin ». L’accusé, lui, est introduit « côté cour » et prend place derrière ses avocats ou, à la demande des magistrats, face à eux, dos au public.



Vue depuis l'intérieur du bocal. (POOL CETC-Kong Sovannara)
Vue depuis l'intérieur de la cour. (POOL CETC-Kong Sovannara)



La cour dans un bocal

Une immense paroi vitrée encadrée de rideaux bleu dragée isole les protagonistes du public. L’arrondi renforce l’impression de bocal. Cette paroi de protection isole de tout, en particulier du son, si bien que dans le bocal, personne n’entend par exemple les réactions du public. Côté salle, le public n’entend pas non plus ce qui se dit à l’intérieur, il dépend complètement de la retransmission audio des débats. Des hauts parleurs diffusent la version khmère, et des casques individuels sont mis à disposition avec sur le canal 1 la version khmère, sur le canal 2 la version anglaise et sur le canal 3 l’interprétariat en français. Les interprètes, eux, sont dans des cabines isolées, perchées au-dessus du public.


Pas de photographies des débats

Pourquoi ne verrez-vous jamais d’images du public dans la salle d’audience ? Parce que les photographies sont interdites à l’intérieur du tribunal, y compris aux journalistes accrédités. Seul un photographe de Reuters a été exceptionnellement autorisé à photographier l’intérieur de la salle à l’ouverture du procès de Duch le 17 février 2009.

Ce 17 février (date d’ouverture du procès mais l’audience était technique) et le 30 mars (date d’ouverture des audiences sur le fond) sont les seules dates auxquelles un pool de trois photographes a été autorisé à rentrer dans le bocal pour photographier pendant 5 mn les protagonistes du procès, notamment l’accusé : un photographe d’agence de presse internationale, un photographe de la presse locale cambodgienne et un photographe international tiré au sort. Les images ont ensuite été mises à la disposition de la presse, gratuitement.



A l'intérieur, les photographes sont au plus près des protagonistes. Pendant 5 mn à peine. (POOL CETC)
Les photographes autorisés à faire des photos avant l'arrivée des juges ont à peine 5 mn pour prendre leurs images. (POOL CETC)



En dehors de ces « opportunités photographiques », les photographes n’ont d’autre choix que de faire leurs images hors de la salle d’audience ou sur les écrans de la salle des médias qui retransmettent les débats. Avec de sacrées déceptions quand la caméra n’est pas fixée sur le bon interlocuteur ou quand elle le cadre de travers.


Les hors champs

En dehors de la salle d’audience, les espaces où faire des photos sont assez  limités. Il y a l’arrivée au tribunal, mais attention à ne pas photographier l’espace de contrôle des visiteurs. Il y a le couloir grillagé qui conduit à l’entrée du tribunal où il est normalement interdit de stationner. Il y a un espace de retransmission des débats, près de l’escalier d’accès à la salle du public. Il y a la salle des médias. Il y a la cour, pas celle des juges mais celle des fumeurs et de ceux qui ont besoin de se délasser les jambes. Mais sous le soleil de plomb des mois les plus chauds, le public préfère l’ombre à l’insolation. Cette ombre est offerte par un toit de tôle couvrant les quelques tables de la cantine du public. Une cantine « camping » dont le seul luxe est la présence d’une machine à expresso, que les amateurs de café apprécient.



Le public arrive en bus au tribunal, souvent à l'invitation du tribunal lui-même ou d'ONG. (Anne-Laure Porée)
Le public arrive en bus au tribunal, souvent à l'invitation du tribunal lui-même ou d'ONG. (Anne-Laure Porée)



Un couloir grillagé mène à un escalier qui monte à l'entrée de la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)
Un couloir grillagé mène à un escalier qui monte à l'entrée de la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)




Un chemin grillagé mène à l'entrée de la salle. (Anne-Laure Porée)
Beaucoup d'étudiants viennent assister aux audiences. (Anne-Laure Porée)




En salle de presse, il est possible d'enregistrer le son, les images et photographier les écrans qui retransmettent les débats. (Anne-Laure Porée)
En salle de presse, il est possible d'enregistrer le son, les images et photographier les écrans qui retransmettent les débats. (Anne-Laure Porée)




Les journalistes font leurs interventions en direct depuis l'espace ouvert, devant la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)
Les journalistes font leurs interventions en direct depuis l'espace ouvert, devant la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)



Une collection d’interdits

De toute évidence, un tribunal est un lieu régi par une multitude d’interdits, pas seulement photographiques. Parfois ils sont justifiés, parfois ils s’avèrent ridicules.

Ainsi en est-il de ce Cambodgien à qui un garde de la salle d’audience vient demander de décroiser les jambes. Interdit au public de croiser les jambes ! Autant vous dire que le dit garde s’est fait envoyer paître vertement par ce spectateur furieux.

Un autre Cambodgien, moins prompt à la rébellion, se fait un autre jour redresser par un garde. Il était trop affalé sur son fauteuil.

Combien de personnes ai-je aussi vu se faire réveiller ou secouer par un surveillant parce qu’il est interdit de s’endormir pendant les audiences ! Les juges, eux, doivent compter sur leur propre vigilance. Au Tribunal pénal international pour le Rwanda, un juge avait ainsi été filmé, assoupi, ce qui avait permis à la défense de contester le verdict. Aux CETC, l’équipe audiovisuelle a pour consigne de ne pas filmer un juge qui piquerait du nez mais de se concentrer sur celui qui a la parole.


Le règlement c’est le règlement

Si vous arrivez en cours d’audience et que vous comptez vous installer au premier rang, vous ne pouvez avancer directement à ce rang, vous devez contourner par le haut de la salle et redescendre. Pourquoi ? « Parce que tout le monde fait ça », répond un gardien. Oui, mais pourquoi ? « Parce que vous ne pouvez pas passer devant ». Soit, mais pour quelle raison pratique ou éthique ? « Parce que c’est le règlement ». Fin de la discussion.

Dans les rangs, il est également interdit de lire le journal ou un bouquin. Il peut vous être demandé de le laisser à l’entrée, à côté du portique détecteur de métal avec les cigarettes, les briquets, les bouteilles d’eau, les casse-croûte…

Enfin les gardes veillent à ce que vous respectiez cette règle de vous lever quand les juges entrent dans la salle, jusqu’à ce qu’ils soient assis. De même quand ils en sortent.

Retour sur une idéologie, le polpotisme, et sa mise en pratique à S21


Une journée qui se finit sous l'orage au tribunal. Cette fois l'audience était terminée mais il y a quelques jours, il a fallu suspendre en plein débats parce que personne ne s'entendait à la cour, tant la pluie claquait fort sur la toiture. Que feront-ils en saison des pluies ? (Anne-Laure Porée)
Une journée qui se finit sous l'orage au tribunal. Cette fois l'audience était terminée mais il y a quelques jours, il a fallu suspendre en plein débats parce que personne ne s'entendait à la cour, tant la pluie claquait fort sur la toiture. Que feront-ils en saison des pluies ? (Anne-Laure Porée)


« Une politique absolue »…

D’entrée de jeu, l’accusé définit la politique du Parti communiste du Kampuchea (PCK) comme « une politique absolue mise en place il y a longtemps, avant que je sois directeur de S21. » Pour lui, le signe de cet « absolu », c’est que même Pol Pot ne s’autorisait pas à relâcher des prisonniers. Par conséquent, si le chef ne prend pas cette liberté, la marge de manoeuvre est plus qu’étroite pour ses subordonnés. « La seule chose que nous pouvions faire, c’était de ne pas ‘écraser’ les gens, de les garder en vie à S21 où ils étaient en semi-détention, si je peux utiliser cette expression », résume Duch qui ajoute plus tard dans la journée que « la ligne politique, c’est la démarcation entre le parti et l’ennemi ». Le juge Lavergne rappelle aussi cette directive du PCK : « Raisonner avec les sentiments est impossible. Il faut uniquement raisonner avec les principes du parti. »


…mise en place par étapes

Selon l’analyse de l’accusé, cette politique s’est mise en place en plusieurs étapes :

– avant 1970, le PCK rassemble. « La politique mise en place était une politique de mobilisation des forces. »

– à partir de 1973, le PCK applique ce que Duch appelle une ligne stratégique de classes basée sur la colère ressentie vis-à-vis des classes exploiteuses. Des arrestations ont lieu. Des commerçants, des tailleurs sont par exemple affectés.

– après le 17 avril 1975, les ennemis sont nombreux : soldats d’ancien régime, chefs bouddhistes…

– le 30 mars 1976, le comité central dirigé par Pol Pot donne autorité à 4 groupes de personnes pour ordonner arrestations et exécutions. Les bureaux de police doivent mettre en oeuvre cette décision. Il semble que ces ordres aient été transmis par oral puisque l’accusé, même en sa qualité de directeur de S21, n’a jamais vu le document confidentiel dans lequel figurait cette décision.


La façade constitutionnelle

Le juge Jean-Marc Lavergne lit une partie de la Constitution du Kampuchea démocratique (KD) et se demande si un tel texte pouvait servir dans les formations politiques dispensées par Duch à S21. La réponse fuse : « Je dois vous dire en toute franchise que je n’ai pas utilisé ce texte parce que c’était une façade pour dissimuler la dictature et la ligne stratégique du parti. » Et il argumente en mettant en perspective l’article consacré à la soi-disant liberté religieuse avec la réalité du régime. Duch cite également la phrase « construire une société pacifique au Cambodge ». « Si nous nous demandons qui a eu droit au bonheur pendant le régime communiste, les communistes dans ce régime, moi y compris, je dirais que le bonheur était pour la classe paysanne. »


Leçon de matérialisme historique

Pour expliquer ce à quoi il a cru, Duch tente d’abord d’expliquer ce qu’était à ses yeux le matérialisme historique. « Au début, la société primitive était une société collective. Après, la société s’est développée sous forme de société esclavagiste. Ensuite on est passé à une société féodale. De cette société féodale, on est passé à une société capitaliste. Ensuite elle est devenue une société socialiste, puis elle s’est développée en société communiste. Nous qui avions étudié la théorie, avoue Duch, nous étions convaincu de cette évolution. » La raison pour laquelle l’accusé adhère alors au communisme, c’est qu’il place sa foi en un adage qui lui convient et qu’il cite d’ailleurs en français : « A chacun selon sa capacité, à chacun selon son travail, à chacun selon ses besoins ». La société à laquelle il aspirait était une société socialiste fondée sur cet adage, assure-t-il aujourd’hui.


Le grand bond en avant

Duch suit donc avec enthousiasme le slogan relatif au « grand bond en avant » du Kampuchea. Avec le recul, son bilan est lapidaire : « En fait le grand bond en avant c’était quoi ? Pol Pot a évacué tous les habitants de Phnom Penh, a ‘écrasé’ les responsables de l’ancien régime, a écrasé les capitalistes, a écrasé les intellectuels. Et donc que reste-t-il ? La classe ouvrière et paysanne. Est-ce que cette société idéale créée par Pol Pot me satisfaisait ? Je dirais que c’était horrible. Beaucoup de personnes ont perdu la vie. » Ces mots sonnent étrangement dans la bouche du directeur de S21.


Pol Pot l’extrémiste

Ce retour sur l’histoire est l’occasion pour Duch d’une mise au point. « Certains analystes occidentaux disent que Pol Pot était disciple de Mao Zedong. Je souhaiterais insister sur ce fait : nous sommes en présence d’un polpotisme, pas d’un maoïsme. Pol Pot voulait aller plus loin que la révolution populaire de Chine. La théorie de Pol Pot était encore plus cruelle que la théorie de la bande des Quatre. »


Le credo de l’impuissance

Face à cette machine, l’accusé ne trouve pas d’échappatoire à l’époque. Fuir ? Impossible, à l’ouest comme à l’est. Il se souvient : « De nombreuses personnes perdaient la vie, j’étais choqué mais je ne pouvais rien dire. Des personnes ont commencé à disparaître chez les supérieurs. Je n’ai pas réalisé à l’époque que la moitié de ma famille avait perdu la vie. » Sa manière de formuler les choses avec distance, et de les ramener à ses proches, le ferait presque passer pour une victime. Le juge Lavergne ne s’y trompe pas et oblige Duch à revenir sur ses responsabilités quand il était chargé d’appliquer la politique du PCK. « Lorsqu’on m’a nommé directeur de S21, mes devoirs m’ont conduit à commettre des crimes contre l’humanité. » Un peu plus tard il se décrit comme « plutôt couard » : il ne conteste pas, il continue d’exécuter les ordres.


Les mots pour « tuer »

Ces ordres s’exprimaient par le mot « kamtech » en khmer, que le tribunal a traduit par « écraser ». Mais selon l’accusé, d’autres mots avaient cours pour signifier « tuer ». Avant 1973 : « résoudre », mot employé par Vorn Vet, ancien supérieur hiérarchique de Duch à M13. « Exécuter » pouvait, selon Duch, être aussi utilisé. Le mot « purifier » avait d’autres connotations. L’arrestation d’une personne pouvait, semble-t-il, être appelée par le terme « purger » ou « prélever ».


Le statut de S21 passé au crible

Le juge Lavergne n’a pas eu le temps de poser toutes ses questions à propos du statut et des spécificités de S21, le président a mis fin à l’audience cinq minutes avant l’orage. Cependant dans ce qui a été abordé, Duch a insisté sur le fait que S21 n’appartenait pas à la structure politico-militaire au niveau central. S21 était sous l’autorité de Son Sen (ministre de la Défense et numéro 7 du parti) comme d’autres étaient supervisés par Ta Mok (numéro 4 du parti), So Phim (secrétaire de la zone Est)… « Les centres de sécurité ne communiquaient pas les uns avec les autres. La communication devait passer par le parti », explique Duch. Ainsi S21 n’aurait pas eu de rôle dominant. Le juge creuse : « est-ce que S21 a été le seul centre à recevoir des gens issus du comité permanent ou d’autres instances dirigeantes du parti ? Quelle était la particularité de S21 ? Est-ce que les autres centres de sécurité étaient appelés à recevoir des détenus d’autres zones ? »

L’accusé ne répond à aucune de ces questions mais raconte qu’il n’y avait pas de hiérarchie entre les centres de sécurité. Centres de sécurité dont, à l’époque, il prétend avoir ignoré l’existence. Cependant S21 avait cette particularité d’être situé au coeur de Phnom Penh, donc dans une proximité géographique avec le Comité permanent, et où une communication téléphonique était possible à tout moment.


Le juge continuera à creuser le 18 mai, à 9 heures, après deux semaines de suspension d’audiences.

Duch mène la barque


"Les personnes qui arrivaient à S21 étaient déjà mortes", témoigne Duch. (Anne-Laure Porée)
"Les personnes qui arrivaient à S21 étaient déjà mortes", témoigne Duch. (Anne-Laure Porée)


Des airs de professeur


Au numéro 7, la dernière maison de Duch, située en face de son bureau. (Anne-Laure Porée)
Au numéro 7, la dernière maison de Duch, située en face de son bureau. (Anne-Laure Porée)


Lundi, dans la droite ligne de l’interrogatoire entamé jeudi dernier, Duch explique le rôle des différentes unités de S21, précise leur lieu de travail, la hiérarchie, pour lui et pour le personnel, la répartition des responsabilités aussi. Il s’étale parfois livrant tout un tas de noms qui embrouillent les traducteurs. Le juge Ya Sokhan s’obstine à questionner Duch sur ses différentes maisons et bureaux entre 1975 et 1979. A l’écran, les plans du quartier de S21 à Phnom Penh défilent. C’est interminable, répétitif et sans but apparent.




Un des documents sur lesquels Duch s'est appuyé pour montrer que ses supérieurs annotaient aussi. (Anne-Laure Porée)
Un des documents sur lesquels Duch s'est appuyé pour montrer que ses supérieurs annotaient aussi. (Anne-Laure Porée)


Duch, lui aussi, fait sa démonstration documents à l’appui. Il expose les aveux des prisonniers comme les copies des mauvais élèves, rouges de corrections. Il décrypte l’écriture des correcteurs, propre, nette, souvent structurée en trois points : Pol Pot, Son Sen, Nuon Chea ont signé ou annoté les confessions. Lui aussi bien sûr, c’était son travail. Cependant il recadre : « Cet exemplaire montre que j’étais en contact avec mon supérieur au quotidien ». Il faut en déduire que Duch exécutait les ordres : « S21 rendait compte de ses activités mais l’état-major prenait ses décisions. » « Je consacrais la plus grande partie de mon temps à lire les documents, insiste-t-il. La tâche était si lourde que je n’avais quasiment pas le temps de faire ce travail comme il faut. »  « Lorsque mes supérieurs prenaient la décision d’écraser, je devais suivre les ordres. » L’ancien directeur de S21 explique que si un chef était purgé, tous ses subordonnés l’étaient aussi. Et mercredi, il rappelle que « toutes les personnes arrêtées devaient être écrasées, c’était la ligne politique. Quiconque était arrêté et envoyé à S21 était considéré déjà comme mort. »


Meilleur que son prédécesseur

Pendant trois jours, tel un professeur qui répond patiemment à sa classe, l’accusé ponctue son interrogatoire de « comme je vous l’ai déjà dit », « j’ai répondu au juge d’instruction », « je vais peut-être être obligé de me répéter »… Questionné sur les raisons pour lesquelles il est devenu, lui, chef de S21, Duch déclare : « J’étais meilleur dans la pratique des interrogatoires que Nath. Mais maintenant je peux dire que ce n’est pas la seule raison pour laquelle j’ai été choisi. J’étais meilleur quand il s’agissait de former les gens aux méthodes d’interrogatoire. C’est quelque chose que je ne remets pas en question. Le parti n’avait pas confiance en Nath, il avait confiance en moi. […] Nath parfois ne consultait pas ses supérieurs. Moi, après le départ de Nath, j’ai toujours attendu de recevoir les instructions de mon supérieur. »


De mauvais gré

Mardi, le co-procureur britannique Alex Bates s’intéresse à la nature des formations menées par l’accusé, à son initiative de construire des cellules individuelles dans les bâtiments B et C du lycée Ponhea Yat sans en rendre compte à ses supérieurs. Il demande également comment Duch a exprimé sa demande de mutation. « Doit-on éplucher un oignon pour en voir le coeur ? », réplique l’accusé qui justifie ainsi ne pas avoir osé parler ouvertement au ministre de l’Industrie de son désir de travailler à ses côtés. « Ce que je vous dis, je vous le dis du fond du cœur », plaide Duch. Alex Bates insiste : « Son Sen savait que vous le faisiez de mauvais gré ? » « Parfois mon supérieur comprenait mes responsabilités. Il connaissait mes points faibles, par exemple que j’avais peur de tuer les gens. Mais il connaissait aussi mes points forts. Ce n’est pas la peine de fouiller la merde pour savoir de quoi elle est faite. »


Contradictions sur le mensonge

Après avoir constaté l’excellente mémoire des dates, des lieux et des noms de l’accusé, après avoir établi son expérience, en particulier dans les techniques d’interrogatoire, le co-procureur international tente de mettre Duch face à ses contradictions : « Vous avez dit que vous préféreriez mourir plutôt que mentir » et « Croyiez-vous que les confessions étaient vraies ? » L’accusé reconnaît (depuis plusieurs audiences déjà) que les confessions « n’étaient pas le reflet de la réalité ». François Roux saisit l’occasion pour rappeler que Duch a travaillé sur « un très long document appelé reconnaissance des faits » et espère que ce n’est pas du travail pour rien.


Les ennemis formateurs

L’accusé, qui enseignait les méthodes d’interrogatoire à S21, comme à M13, a été formé à l’école de ses ennemis, dit-il. A commencer par le régime de Lon Nol et par l’inspecteur de la police judiciaire (du temps de Sihanouk) qui avaient arrêté les prisonniers khmers rouges. Vient ensuite le régime français qui torturait les prisonniers vietnamiens. Enfin, la théorie de Mao Tse Toung et cet adage tiré de l’expérience d’un grand guerrier chinois : « Si vous connaissez bien votre ennemi, vous ne serez pas vaincu au cours de la bataille ».


L’endoctrinement des enfants

Mercredi, les co-procureurs terminent leur interrogatoire. Concernant les enfants travaillant à S21, Duch concède : « Je les éduquais mais savoir où ils allaient, pour moi, ce n’était pas clair. La majorité travaillaient comme gardes. D’autres devaient s’occuper de nourrir les lapins. » La veille, la majorité de ces enfants avait plutôt l’air de s’occuper des lapins. Ce phénomène des enfants-gardes n’était pas spécifique à S21 comme l’a redit l’accusé. Il y en avait dans tout le pays. « S’agissant de leur endoctrinement, ils étaient comme du papier blanc sur lequel on pouvait écrire ce que l’on voulait. » Puis il ajoute : « C’est l’idée maîtresse de tout politicien, quelle que soit l’idéologie politique. Moi j’ai été influencé par l’idéologie communiste. »


Chien fidèle mais pas balance

Les co-procureurs voulaient également savoir si Duch était celui par qui les membres de l’unité 703 avaient péri à S21. L’accusé a reconnu volontiers qu’il avait été placé à la tête de S21 pour être « leurs yeux et leurs oreilles ». « Ils me considéraient comme étant leur berger [le mot est prononcé en français par Duch], leur chien fidèle. » Une phrase déjà énoncée lundi. Il veut, pour preuve de cette confiance, rappeler que Nath, son supérieur direct au début de S21, n’a jamais été consulté sans lui, et que Hor, son adjoint, n’avait pas le droit de rencontrer les supérieurs de Duch. « Mon supérieur ne m’a jamais demandé d’espionner ceux de la division 703 », a-t-il finalement conclu.


L’image du directeur perfectionniste

Au cours de ces trois journées, voici ce que l’accusé décrit de sa fonction de directeur de S21 : « Lorsque je suis devenu directeur, notre orientation était claire, il s’agissait de purger les rangs du parti. » Cependant, il se décrit comme étant à distance. Il ne sait rien des questions de nourriture et de vêtements, il ignore d’où viennent les instruments de torture et de détention.  Il affirme que l’immersion dans l’eau et les sacs plastiques n’étaient pas des méthodes de torture utilisées à S21 avant de glisser au détour d’une réplique que les techniques d’immersion dans l’eau ont peut-être été introduites par certains. Quant aux confessions, sous la direction de Nath, elles étaient rédigées selon un format que la confession de Tioulong Rengsy pourrait illustrer (relativement courte donc).

« Lorsque je suis devenu directeur, les choses ont changé. La manière de rendre compte de nos activités a changé. »  Ses tâches principales ? Enseigner les méthodes d’interrogatoire et préparer les rapports à envoyer aux supérieurs (surtout la lecture des confessions). Mais il assure qu’il n’a jamais participé à aucun interrogatoire mené par ses subordonnés car le chef de groupe lui rendait compte de ces activités. Il se moque même de l’avocate des parties civiles du groupe 2 qui lui pose ces questions : « Je pense que mademoiselle Studzinsky n’a pas travaillé dans le domaine militaire ni dans d’autres postes à responsabilité. […] En tant que directeur de S21, je ne pouvais pas participer à tout ce qui se faisait. »


L’appui des plus hauts dirigeants

Les réponses faites à l’avocat des parties civiles du groupe 1, Alain Werner, montrent que Duch n’a jamais été fortement inquiété ou menacé pour des erreurs commises par ses subordonnés. Il s’est souvenu d’une confession « compromise » pour laquelle son supérieur a recommandé « que Hor ne s’occupe plus des aveux ». Il était également détenteur d’un téléphone en ligne directe avec Son Sen. Questionné pour savoir s’il était protégé par Son Sen puis Nuon Chea, Duch répond : « Dans les rangs du Parti communiste,  le subordonné devait respecter son supérieur et le supérieur devait protéger ses subordonnés. C’est ainsi que la question des intérêts communs a été mise en place. Cela ne veut pas dire que j’ai montré du doigt ceux qui sont morts. »


Une communication strictement verticale

A plusieurs reprises  les déclarations de Duch sur le mode de communication au sein de l’appareil khmer rouge, mal traduites, auront été reformulées. Mercredi, l’accusé réitère : « S21 ne communiquait pas avec les autres bureaux de sécurité. Jamais. » Il débat le caractère unique de S21 (voir la citation du jour) et réaffirme qu’il ne se souvient clairement de l’existence que de deux prisons khmères rouges et que s’il « supposait qu’il y avait des centres de sécurité dans chaque zone, dans chaque secteur et dans chaque district », il n’en avait eu connaissance que pendant la phase d’instruction.


Détournement des questions des parties civiles

Alain Werner l’interroge sur ses initiatives à la direction de S21. Duch prétend n’avoir pas compris la question avant de la reformuler parfaitement et déclare : « Si nous contestions des instructions, ça aurait été perçu comme une attaque directe vis-à-vis du Parti communiste du Kampuchea. »

Dans le face-à-face tendu avec Silke Studzinsky, il se braque et lance, alors qu’elle allait lui couper la parole parce qu’il raconte pour la n-ième fois qu’il a demandé à ce que Chay Kim Hour soit nommé directeur de S21 : « Veuillez ne pas m’interrompre ! Ceci est véridique ! Puisque vous êtes en train de poser une question qui a déjà été posée, j’ai le droit de ne pas vous répondre. » En salle de presse, les journalistes éclatent de rire. La démonstration d’autorité fait son effet. Dans les minutes qui suivent, il la rabroue d’un « je choisis de garder le silence » ou lui suggère de poser d’autres questions. Brouillonne dans ses questions, elle s’enfonce. Duch finit même par lui demander si ce qu’elle vient de dire est une question. Les journalistes cambodgiens sont hilares.


Le président de la cour soutient Duch

Quand Philippe Canonne, avocat du groupe 3 des parties civiles, demande à Duch qui allait chercher les prisonniers qui étaient amenés à S21. L’accusé a à peine le temps de répondre que le président l’interrompt : « Vous n’êtes pas obligé de répondre ». Maître Canonne s’offusque avec humour que Duch soit freiné dans sa spontanéité. Le président tranche : « Nous avons le droit d’interrompre ». Au placard les commentaires sur cette décision de la chambre. Duch saisit la perche et refuse de répondre à la question suivante puisqu’elle n’entre pas dans le thème de cette session sur la création de S21. Pour les questions sur le fonctionnement de S21, il faudra repasser.

Modérant son soutien à l’accusé, le président lui demande, après la pause de 15 heures, d’avoir un comportement approprié et de ne pas rire aux questions posées. La veille déjà, les parties civiles avaient exprimé leur malaise à la vue de certains gestes de l’accusé pouvant susciter la compassion.


Le réveil de Kar Savuth

« Vous nous avez parlé de communisme, de socialisme, du parti et puis deux ou trois fois de l’Angkar. Les Cambodgiens à l’époque entendaient parler de l’Angkar. Pouvez-vous nous aider à comprendre ce qu’était l’Angkar ? » prie Philippe Canonne. Kar Savuth, que personne n’avait entendu depuis de longues journées, bondit de son siège pour faire objection. Selon lui, la question porte sur le fonctionnement de S21 et non sur sa création. Le président de la cour, l’air amusé, acquiesce. Philippe Canonne résiste : « En quoi ma question est-elle déplacée quand je demande comment l’Angkar organisait tout cela ? » Une fin de non recevoir claque. « La chambre a déjà statué sur ce point ». La question devra être reposée plus tard.


Des réponses floues

Il est certaines déclarations de l’accusé qui mériteraient d’être creusées ou clarifiées et qui pour l’instant doivent être prises avec prudence tant la traduction est sujette à caution. Il semble que Duch ait affirmé que S24 était sous sa direction mais qu’il n’en avait pas connaissance. « Après le départ de Nath [prédécesseur de Duch à la direction de S21 et fondateur de S24], je ne savais pas si S24 existait. Seul le comité permanent reconnaissait S24. »

On s’interroge encore sur les sanctions évoquées par Duch en cas de rapport erroné, sur ses réponses floues quant aux gardes affectés à Choeung Ek ou encore sur les directives disciplinaires imposées aux prisonniers de S21 car Duch affirme que les règles aujourd’hui affichées au musée de Tuol Sleng ont été crées par les troupes vietnamiennes… N’y avait-il donc aucune directive disciplinaire inscrite à S21 ?

On se demande enfin pourquoi il ne reconnaît pas le nom de Prak Khan parmi les interrogateurs de l’organigramme présenté par un avocat des parties civiles et préparé par les enquêteurs des juges d’instruction. Dans le film de Rithy Panh, Prak Khan affirme pourtant avoir été un des interrogateurs du groupe de « mastication ».

« Monsieur Werner, on ne considère pas que S21 est unique parce que ce sont les cadres du Comité central qui ont été éliminés à S21 ! »

Mercredi 29 avril, Duch est interrogé par l’avocat des parties civiles Alain Werner sur le caractère unique de S21 qui ne serait pas au même niveau que les autres prisons khmères rouges parce que c’était les cadres qui y étaient envoyés. Duch fait une longue réponse : « Nous parlons de caractère unique, dans quel sens ? Si nous parlons des documents relatifs aux décisions du Comité permanent et si on analyse ces décisions : S21 n’est pas un bureau de police unique car les personnes qui ont le droit de donner des ordres sont de quatre groupes :

– les secrétaires de zone (il y avait 7 zones donc il existait 7 secrétaires)

– le président du Comité du bureau 870

– le Comité permanent

– l’état-major, à savoir Son Sen

Quand toute personne faisant partie de ces quatre groupes émettait un ordre, tout bureau de sécurité au Cambodge devait obéir et mettre en oeuvre cet ordre. S’il était décidé qu’une personne devait mourir, nous devions obéir à cet ordre. Les personnes appartenant à ce groupe étaient désignées sous le terme « principaux responsables de crimes en vertu du droit cambodgien ».

Si nous utilisons cette ligne politique déterminée par Pol Pot le 30 mars, S21 n’est pas unique dans ce sens. Mais si vous pensez que c’est parce que S21 a éliminé les cadres du Parti communiste du Kampuchea, du Comité central… J’ai affirmé devant la chambre hier que lorsque S21 a éliminé ces cadres, cela ne bénéficiait pas au peuple cambodgien. La question est liée à la tromperie au sein du Comité central.

Par conséquent, si on ignore ce principe, S21 est unique !

Permettez-moi de poursuivre un instant : si la vie d’une personne du Comité central équivaut à 200 vies de gens ordinaires… Comment allez-vous traiter les intellectuels ? Leurs mains n’étaient pas entachées de sang.

Monsieur Werner, on ne considère pas que S21 est unique parce que ce sont les cadres du Comité central qui ont été éliminés à S21 ! »

Démarrage poussif sur la création de S21

Les gardiens leur demandent de laisser leur téléphone portable à la consigne en échange d’un second ticket. Un peu perdus, les nouveaux arrivants rient de toutes ces précautions. Ensuite, impossible pour eux de se perdre, le chemin entre deux grilles est tout tracé jusqu’au prochain portique de sécurité où ils laissent en attente sur une table briquets et cigarettes enroulés dans des kramas poussiéreux. Ils arrivent d’Omleang, à environ 90 km au nord-ouest de Phnom Penh, le village où se situait le camp khmer rouge M13, dont  Duch fut le directeur.


Le public attrape à la sortie du tribunal tous les documents qui sont mis à sa disposition. (Anne-Laure Porée)
Le public attrape à la sortie les documents qui sont mis à sa disposition par le tribunal : biographies des magistrats, de l'accusé, livret sur le fonctionnement de la cour... (Anne-Laure Porée)



Le chapitre de la création de S21

Ce matin, ces 250 hommes et femmes transportés au tribunal par le Centre de documentation du Cambodge remplissent la moitié de la salle. Il est regrettable que ces personnes intéressées au premier chef par les audiences sur M13 n’aient pas été accompagnées aux CETC plus tôt. Les audiences sur M13 se sont closes la veille… Ils n’entendront donc que des questions relatives à la création de S21.


A l’entrée des juges dans le prétoire, le public se lève comme un seul homme, dans un silence respectueux. L’effet de cette salle pleine et attentive est saisissant. Deux jours plus tôt une trentaine de personnes à peine constituait le public. L’arrivée de Duch est aussi quelque chose : dans un mouvement général, les villageois se penchent vers l’avant comme pour le voir de plus près. Voir celui que tous connaissent, selon Im Reng, une habitante d’Omleang qui cite avec une colère froide le nom de familles entières anéanties à M13. Im Reng a suivi les informations sur le tribunal à la télévision et conteste des propos tenus pendant les audiences précédentes, elle assure qu’il n’y a pas eu de survivants dans les fosses de M13. Les souvenirs de cette époque lui reviennent avec acuité. Elle avait 18 ans.


En ordre dispersé

La matinée est plutôt poussive. Le président de la cour annonce le report de la décision du tribunal sur la détention provisoire de Duch mais promet une décision avant le 15 juin 2009. La juge Silvia Cartwright prie Duch de parler plus lentement et de façon plus concise. Le juge Jean-Marc Lavergne demande la vérification d’une déclaration de l’accusé en khmer parce que la veille il a compris, à juste titre, le contraire de ce que dit Duch aujourd’hui. Le juge Ya Sokhan interroge Duch, parfois sur les mêmes points que la veille. La chasse aux références de documents ralentit passablement les débats. Enfin les procureurs et la défense se harponnent sur les documents présentés à la cour. Si le débat entre les parties n’était pas clair ce matin, en substance, c’est le même qui revient régulièrement : la défense reproche ses méthodes à l’accusation. Les co-procureurs, sous couvert de faciliter les débats et le travail des juges, font leur propre sélection de documents comme ils ont proposé leurs propres synthèses de témoignages, ce qui est inacceptable pour Me Roux.


S21 naît le 15 août 1975

Finalement, entre la fin d’après-midi hier et cette matinée, l’interrogatoire de Duch se déroule un cours magistral sur S21, parfois assommant. Duch décrit S21 comme une « combinaison des forces de M13 et du bureau de sécurité 03 » (ou bureau de la division 703). Ce nouveau bureau de la sécurité naît le 15 août 1975. Ce jour-là, Son Sen convoque trois hommes à qui il confie la mission de mettre en place S21 : Nath (chef du bureau 03, soit secrétaire de la division 703), Duch et Hor (secrétaire de l’unité spéciale). L’objectif annoncé est d’ouvrir « un centre d’interrogatoire pour les prisonniers de guerre et ceux qui ont fait défection ». Duch est placé sous l’autorité de Nath. Ce jour-là est aussi inventé le nom S21. Le « S » correspond à santebal en khmer. « Nous allons utiliser le mot santebal qui réfère à ceux qui maintiennent la paix dans le pays », aurait alors décidé Son Sen. Quant au chiffre 21, c’est le numéro de communication.


Une idée de Pol Pot

Interrogé plus avant sur cette naissance, Duch déclare : « Pol Pot est l’initiateur de la création de S21. Nuon Chea avait pour obligation de faire suivre la décision de Pol Pot et Son Sen était chargé de son application. »


S21 déménage à plusieurs reprises dans Phnom Penh avant de se fixer définitivement dans les bâtiments de l’école Ponhea Yat (actuel musée du génocide) et d’occuper tout le quartier autour. Une des raisons invoquées par Duch est qu’il fallait éviter que « les visiteurs chinois » voient ce qui se passait.


Communication strictement verticale

« Plus de 1 000 personnes au total travaillaient à S21 mais toutes n’étaient pas sous mon contrôle », se souvient Duch qui, après de nombreux quiproquos sur la manière de communiquer dans les sphères khmères rouges, insiste pour dire que cette communication était strictement verticale. Et il rappelle la hiérarchie interne : 1- Pol Pot, 2- Nuon Chea, 3-So Phim, 4- Mok, 5- Ieng Sary, 6-Vorn Vet, 7-Son Sen, insistant sur la puissance de ce-dernier, ministre de la Défense.


De lourdes interrogations

Certaines affirmations de l’accusé laissent alternativement songeur, dubitatif ou incrédule. Duch assure : « Avant d’arriver aux CETC, je ne connaissais que deux bureaux de sécurité ». Le juge Jean-Marc Lavergne, estomaqué, fait répéter sa déclaration à Duch qui confirme (voir la citation du jour). Plus tard, quand la cour étudie la fonction des bâtiments de S21, l’accusé certifie : « A partir du moment où S21 a été construit, je ne suis jamais entré dans le bâtiment. Dès lors que les cellules individuelles ont été construites telles que je l’avais ordonné, je ne suis plus entré dans le bâtiment jusqu’au jour où les co-juges d’instruction m’ont amené sur le site. »

«Avant d’arriver aux CETC, je ne connaissais que deux bureaux de sécurité [prisons khmères rouges]»

Quand le juge Ya Sokhan demande à Duch combien il y avait de bureaux de sécurité sous le régime khmer rouge et comment ils étaient classés, Duch raconte qu’il s’est rendu dans une prison de Kompong Thom, supervisée par un membre de sa famille, un jour qu’il ramenait sa mère dans cette province (le 1er janvier 1976, assure-t-il avec une mémoire stupéfiante).

Il a aussi été au courant de l’existence d’une autre prison, M99. « Mon supérieur m’a demandé d’y envoyer Ham In [prisonnier à M13] pour purger une peine là-bas », dit l’accusé.

« Avant d’arriver aux CETC, je ne connaissais que deux bureaux de sécurité. »

La déclaration est si étonnante que le juge Jean-Marc Lavergne fait répéter à Duch pour s’assurer qu’il n’y a pas un problème de traduction. Duch confirme : la première prison, c’était lors d’une visite personnelle, la deuxième était sous l’autorité de son professeur Son Sen. « Il m’a ordonné d’envoyer les victimes de M13 à M99. »

Une déclaration difficile à croire, d’autant que dans ces audiences se dessine la relation étroite entre Duch et Son Sen. Duch pouvait-il vraiment ignorer les autres prisons dont le DC-Cam chiffre le nombre à 196 (hors S21) ?

C’était quoi S21 ?

Une des cellules individuelles de S21. Les prisonniers y urinaient dans un bidon et faisaient leurs besoins dans une boîte à munitions. (Anne-Laure Porée)
Une des cellules individuelles de S21. Le prisonnier y urinait dans un bidon et faisait ses besoins dans une boîte à munitions. (Anne-Laure Porée)


Le « haut du panier » des prisons khmères rouges. Quand Kar Savuth, l’avocat cambodgien de Duch, plaide la relaxe de son client (le 31 mars 2009) sur les arguments que tant que les 196 autres directeurs de centres de détention khmers rouges ne seront pas poursuivis, il n’y aura pas de justice, et qu’il y a eu moins de morts à S21 que dans d’autres prisons, il omet sciemment cette spécificité sur laquelle pourtant les bourreaux comme les victimes s’accordent : « Nul ne sortait vivant de S21 ». « Y a-t-il des documents qui prouvent que des prisonniers de S21 ont été transférés dans une prison à Battambang ou Kompong Chhnang ? », demande Vann Nath, choqué par l’avocat de la Défense. « Non ! Mais toutes les prisons du Cambodge ont envoyé leurs prisonniers à S21. »


Une zone sous haute sécurité au cœur de Phnom Penh. Contrairement à ce que nombre de personnes imaginent, S21 n’était pas que l’ensemble des 5 bâtiments du lycée Pohnea Yat qui a été transformé en musée du génocide de Tuol Sleng. S21 couvrait une zone délimitée par les boulevards Monivong, Sihanouk et Mao Tse Toung ainsi que par la rue 163 longeant le Wat Mohamontrei.

Autour du lycée, des bâtiments hébergeaient le personnel, l’administration ou bien des détenus importants, et servaient aussi pour les interrogatoires et la torture. Il y avait aussi des lieux d’exécution.

Un certain nombre de services assuraient le fonctionnement de S21 : les sous-sections médicale, cuisine, logistique, tandis que les unités de photographie, défense, interrogatoires, et documentation se concentraient sur les prisonniers.


Des annexes en banlieue de Phnom Penh. Le site de Choeung Ek (à 15 km de Phnom Penh), où furent exécutés une partie des détenus de S21, était sous la responsabilité de Duch ainsi que S24, centre de détention de Prey Sâr.


Un centre de torture. Selon l’ancien directeur, Duch, y étaient combinées les méthodes de la division 703 (pour l’arrestation, l’incarcération et l’exécution des prisonniers) et des méthodes de M13 (pour la torture). Au début de son procès, Duch maintient qu’il avait pour « tache exclusive d’annoter les confessions ».

Parmi les méthodes de torture appliquées à S21 : injures, coups, fouet, bâton, rotin, lacérations, ongles de doigts et de pieds arrachés, décharges électriques, aiguilles enfoncées sous les ongles, sac en plastique sur la tête, eau dans le nez, plonger le prisonnier attaché dans l’eau…


La version institutionnalisée, perfectionnée et urbaine de M13. Le camp M13, installé dans le maquis khmer rouge entre 1970 et 1975, était une prison destinée aux ennemis et aux traîtres. La filiation avec S21 est évidente, outre que Duch en fut le responsable, une partie du personnel de M13 s’est retrouvé à S21, les méthodes de torture furent les mêmes, ainsi que la pratique des confessions. Et les exécutions.


Un centre de purge interne au mouvement khmer rouge. Les statistiques réalisées sur la base des documents retrouvés à S21 et présentés par les co-procureurs le 31 mars 2009, montrent que 78% des détenus venaient de bureaux du gouvernement khmer rouge ou d’unités militaires et mettent en exergue un pic de prisonniers en provenance de la zone Est à la mi-1978. Quand S21 a commencé à fonctionner, ce sont surtout des fonctionnaires du régime de Lon Nol qui ont été détenus et exécutés. Le temps moyen de détention à S21 a été évalué à 61 jours.


Un nom de code. Le S de sécurité (Santebal en khmer) associé au numéro du canal radio de la sécurité, 21. La mise en place de S21 est annoncée à Duch le 15 août 1975, par Son Sen, ministre de la Défense khmer rouge. Duch est nommé vice-président et responsable du groupe des interrogateurs. S21 est opérationnel en octobre 1975, d’après l’ordonnance de renvoi des juges. Duch devient responsable de S21 en mars 1976. Le centre de détention qui a déménagé plusieurs fois dans Phnom Penh, s’installe définitivement dans les locaux de l’ancien lycée en avril 1976.





« Monsieur Peschoux s’est conduit comme un voleur »

Le 6 avril, alors que s’ouvraient les audiences consacrées à M13, la défense de Duch demandait à ce qu’un entretien réalisé entre le 29 avril et le 3 mai 1999 par Christophe Peschoux alors représentant du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, ne soit pas porté à charge contre l’accusé, émettant de sérieuses réserves sur la manière dont cet entretien avait été mené. En cette journée de clôture des audiences sur M13, le juge Lavergne a souhaité revenir sur les circonstances dans lesquelles cet entretien a eu lieu afin que la cour prenne sa décision de retenir ou non ce document en connaissance de cause.

L’accusé  a donc été questionné sur ces circonstances. Il n’a pas mâché ses mots. « Si on écoutait l’enregistrement, on pourrait se rendre compte que je ne pouvais collaborer », lâche Duch reprochant à Christophe Peschoux de l’avoir approché sous le faux prétexte de vouloir le rencontrer dans la perspective de construire une école à Battambang, d’avoir élevé la voix pendant les entretiens, d’avoir brandi l’autorité d’un mandat de l’Onu pour qu’il parle, d’avoir dit qu’il allait trouver un pays qui lui offrirait l’asile politique et où il serait incarcéré. « Monsieur Peschoux s’est conduit comme un voleur. Pourquoi n’avait-il pas un accord préalable avec le gouvernement ? », interroge Duch en insistant sur le fait qu’il était prêt à reconnaître ses responsabilités, en particulier depuis que Pol Pot avait nié l’existence de S21 et affirmé que S21 était une invention des Vietnamiens. « J’ai été amené à sortir de mon silence. Je devais apparaître au grand jour. » Duch a donc répondu librement à Christophe Peschoux, ainsi qu’aux journalistes Nic Dunlop et Nate Thayer qui avaient retrouvé sa trace et étaient présents. « Je voulais révéler la vérité. »

Le co-procureur a bien tenté de demander à Duch s’il refusait que cet entretien soit utilisé contre lui parce qu’il l’incrimine davantage encore. Il a fait chou blanc face à la défense qui l’a accusé de « rentrer par la fenêtre alors qu’on a fermé la porte ».