Des réparations collectives et morales
Pich Ang co-avocat principal des parties civiles rappelle d’abord que «pour les victimes, les réparations constituent un des éléments fondamentaux de la justice», «un moyen important de réconciliation pour elles et la société, un moyen pour cicatriser les blessures et permettre une amélioration psychologique chez les victimes». Il ajoute que le tribunal (les CETC) est compétent en la matière. Bien sûr ces réparations sont collectives et morales, certainement pas individuelles et devant les juges elles sont des indications de ce qu’il est possible de faire.
Retour sur le rôle des parties civiles
Elisabeth Simoneau Fort, co-avocate principale des parties civiles, revient sur le rôle des parties civiles après avoir précisé certaines définitions du droit à réparations dans le droit international. «La partie civile n’est pas comme une sorte d’invitée au procès, dans le but de faire plaisir à la victime qu’elle est, comme s’il convenait de lui offrir une sorte de gratification, une sorte de réparation avant l’heure. La partie civile ce n’est pas simplement un moyen de donner aux victimes l’impression qu’elles sont associées au procès et y participent un peu.» La partie civile possède un droit égal à celui dont dispose un accusé. Elle a été impliquée dans les faits et les a subis. «Elle est face aux accusés la victimes de l’infraction. […] Elle est plus qu’un témoin, elle est l’un des protagonistes des faits jugés. […] Elle est en mesure de contribuer à l’établissement de la vérité.» Ceci est d’ailleurs sont premier objectif. La réparation constitue son deuxième objectif, selon Elisabeth Simonneau Fort.
Réparer par une journée internationale du souvenir
Les avocats des parties civiles ont classé leurs propositions de réparation en quatre catégories : mémoire et souvenir, réhabilitation, documentation et éducation, autres projets de réparation. Concrètement, cela signifie que les victimes proposent : l’adoption d’un jour férié ou une journée internationale du souvenir, un stupa érigé dans un lieu approprié, la préservation des sites d’exécution, l’accès gratuit à des services de soins psychologiques, le développement de l’éducation sur l’histoire du Kampuchea démocratique, la création d’un centre-musée-bibliothèque à Phnom Penh où seraient déposés les documents khmers rouges, la création d’une liste des victimes, la fondation d’un centre d’éducation pour les enfants nés des mariages forcés sous les Khmers rouges, la création d’un fonds d’indemnisation, et, plus original : un projet d’offrir la citoyenneté cambodgienne aux victimes vietnamiennes…
Les réparations, une charge pour les parties civiles
En conclusion, Elisabeth Simoneau Fort souligne les énormes contraintes imposées aux parties civiles dans l’élaboration de ces mesures de réparation, en particulier celles «d’apporter l’assurance qu’il y aura des garanties financières suffisantes». «De telles contraintes sont uniques dans le système judiciaire national et international et elles pourraient constituer de quasi sanctions pour les parties civiles. Elles pourraient constituer un obstacle potentiel au droit à réparation.»
«Lorsque nous serons partis, ce qu’il restera ici, c’est la sanction et ce sont bien sûr les réparations», rappelle l’avocate. «Nous nous en remettons à la chambre pour que quoi qu’il arrive les réparations demeurent un droit et non pas une charge.»
Ne pas oublier les archives
Bou Meng, rescapé du centre de détention S21, considère les réparations comme indispensables. «Si nous gagnons le procès, même 1$ symbolique, j’accepte. Il ne faut pas écarter les parties civiles.» Em Oeun, partie civile défendu par Avocats sans frontières (ASF) souhaiterait quant à lui que les accusés réalisent eux-mêmes des panneaux documentaires qui circulent dans le monde. Il s’inquiète également des archives. «Je demande aux dirigeants de bien classer les archives du pays et de les mettre à disposition dans tous les musées du pays et du monde pour qu’on sache ce qui s’est passé.»