Qui sont les survivants de S21 ?

Les sept hommes de 1979.
Sept hommes, anciens prisonniers de S-21, réunis probablement en 1980.

En 1979, un photographe immortalise les sept hommes rescapés de S21 qui posent en se tenant par l’épaule ou par la taille. De gauche à droite :

– Chum Mey, réparateur notamment de machines à coudre, 79 ans

– Roy Nea Kong, menuisier, mort en 1986

– Im Chan, sculpteur, mort en 2000

– Vann Nath, peintre, 63 ans

– Bou Meng, peintre, 68 ans

– Pha Than Chan, traducteur en vietnamien, mort en 2002

– Ung Pech, mécanicien, mort le 30 juillet 1996 (Source Cambodge Soir n.175)

 

Trois témoins-clés encore en vie

Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois vivants. Deux d’entre eux se sont portés partie civile contre Duch, l’ancien directeur de S21 : Chum Mey (79 ans) et Bou Meng (68 ans). Vann Nath (63 ans), lui, ne compte pas parmi les plaignants, il estime que sa place est celle de témoin. Chacun d’entre eux a été entendu et questionné pendant une journée. Vann Nath le 29 juin 2009, Chum Mey le 30 juin et Bou Meng le 1er juillet. Leur témoignage a joué un rôle essentiel en terme d’émotion et de sensibilisation du public. En revanche leur connaissance de S21 a été sous-exploitée et la cour a échoué à faire comprendre à travers eux ce qui était en œuvre à S21.

 

Les enfants rescapés

Début février 2009, à l’approche des audiences sur le fond du procès de Duch, Norng Chanphal, 38 ans, décide de se constituer partie civile. Malheureusement, il dépose son dossier deux jours après la date limite. Mi-février, au tribunal, l’avocat des parties civiles Karim Khan bataille pour faire accepter le dossier. Les co-procureurs montent au créneau eux aussi. Une campagne de presse, orchestrée par le Centre de documentation du Cambodge où Chanphal a retrouvé la photo de son arrivée à S21, appuie leurs efforts. D’un coup, ce modeste conducteur de bulldozer sort de l’anonymat. L’histoire de cet enfant (âgé en 1979 de 7 ou 8 ans) retrouvé dans la prison où son père, ancien cadre khmer rouge, et sa mère ont été purgés, fait l’effet d’une révélation. Pourtant l’existence de Chanphal, de son frère et de deux enfants découverts par les troupes vietnamiennes n’a rien d’un scoop. Pas plus que la présence en tant que telle d’enfants à S21. Les photographies le prouvent ainsi que différents témoignages. Chanphal et son frère Lach auraient réussi à se cacher quand les gardes khmers rouges ont fui le centre de détention. Le 8 juillet les co-procureurs présentent la biographie de la mère de Chanphal aux juges, après des recherches de dernière minute faites par le DC-Cam. Duch admet alors que cet enfant était un rescapé de S21. Les deux autres enfants ont été adoptés en Allemagne de l’Est.

 

Un potentiel de 177 libérés de S21

En août 2008, le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam) révèle dans la presse (radio puis presse écrite) l’existence de 177 personnes libérées de S21. Son très médiatique directeur Youk Chhang indique que les documents sont là depuis trente ans, qu’ils n’ont jusqu’ici jamais intéressé personne. Il déclare également qu’il ne faut pas considérer ces prisonniers libérés comme des survivants dans la mesure où ils ont été épargnés par leurs geôliers. L’article de Douglas Gillison dans le quotidien anglophone Cambodia Daily du 28 août 2008 fait état de plusieurs listes et cite des noms de prisonniers relâchés avant que Duch prenne la direction de S21 puis après qu’il l’ait prise. Pourtant, anciens prisonniers, anciens gardes et même Duch, au tribunal, s’accordent à dire qu’entrer à S21 conduisait à une mort certaine. Si ces listes sont fiables, et leur authenticité vérifiée, elles pourraient servir à décrédibiliser Duch quand il affirme qu’il n’avait pas le choix, qu’il devait obéir aux ordres. Suspense jusqu’à ce que le tribunal aborde ce problème de front.

 

Les inconnus des parties civiles

Parmi les parties civiles figurent des personnes qui affirment avoir été prisonnières à S21 et qui sont présentées par leurs avocats comme de « nouveaux » survivants. Ils portent plainte contre Duch. Ils ont été entendus en tant que partie civile, et non en qualité de témoin, ce qui signifie qu’ils n’ont pas prêté serment. Entre le 6 et le 13 juillet 2009 ont été invités à la barre :

Ly Hor, se serait évadé de Prey Sâr ;

Lay Chan, aurait été libéré de S21 ;

Phork Khon, aurait été rescapé des charniers de Choeung Ek ;

Chim Meth, incarcérée à S24, pas sûre d’avoir été à S21 ;

– Nam Mon, se déclare ancienne membre du personnel médical de S21

Ces parties civiles ont été soumises à rude épreuve, certaines ayant fort peu évoqué leur histoire jusqu’à ce jour. Suivant le principe de ne pas « préparer » leurs clients afin que leur parole soit naturelle et spontanée, les avocats des parties civiles ont lâché ces Cambodgiens pétris de souffrances dans l’arène, sans maîtriser les dossiers, sans parfois avoir procédé à certaines vérifications de base, sans avoir approfondi les récits. Les dossiers originaux ont quelquefois été constitué à la hâte, sans expérience, par des ONG dont ce n’est pas le métier mais qui en ont fait une sorte de « business judiciaire », privilégiant le prestige de contribuer au travail du tribunal sans toujours assurer des enquêtes solides.

Face à ces parties civiles fragilisées, les arguments d’un accusé méthodique, rigoureux, cohérent et qui a largement eu le temps de se préparer, insinuent le doute. Un doute terrible. Les avocats des parties civiles portent une lourde responsabilité. Erreur de stratégie ? Absence de stratégie ? Ils sont censés porter la voix des victimes. La cohérence et la solidité des témoignages ne doit-elle pas prévaloir sur le naturel du récit ? Il s’agit tout de même d’un procès pour crime contre l’humanité… Compte tenu de l’inconsistance de l’accusation, chaque erreur des avocats des parties civiles renforce un peu plus Duch.

 

L’appréciation des juges

Dans l’immédiat, les juges ne parlent que de témoins, c’est-à-dire des personnes qui ont prêté serment de dire la vérité, ou de parties civiles, qui ne prêtent pas serment parce qu’elles sont parties au procès.

Pour les juges, les témoignages sont importants car ils permettent de recueillir des éléments de preuve. Mais dans le cas d’un crime de masse, les histoires individuelles s’imbriquent nécessairement dans une histoire plus large, comme l’explique avec pédagogie le juge Jean-Marc Lavergne.

Au moment du jugement au fond, c’est-à-dire à la fin du procès, les juges prendront position. Ils apprécieront si telle ou telle partie civile est effectivement « survivante » de S21, s’ils estiment le lien avec les faits établi, s’ils considèrent donc que la constitution de partie civile est recevable. Alors seulement elle sera reconnue juridiquement comme victime, directe ou indirecte (il peut s’agir d’un membre de la famille).

Si un témoin ment pendant sa déposition, c’est un délit. Mais il ne peut être poursuivi par les CETC dont le mandat est limité aux plus hauts responsables khmers rouges. En revanche ce témoin peut être poursuivi devant un tribunal cambodgien normal.

Les images possibles et impossibles du tribunal


Le tribunal a autorisé les prises de vue dans la salle du public seulement une fois, le 17 février 2009. (POOL CETC-Reuters)
Le tribunal a autorisé les prises de vue dans la salle du public seulement une fois, le 17 février 2009. (POOL CETC-Reuters)


Loin de Phnom Penh

Le tribunal a été construit à Kambol, en périphérie de Phnom Penh, au-delà de l’aéroport, à 16 km environ du centre-ville, sur un terrain de l’état-major cambodgien. Il faut compter autour de 45 mn pour s’y rendre en moto sans forcer sur l’accélérateur et en tenant compte d’une circulation dense aux heures matinales. Le retour peut prendre bien plus longtemps pour toutes sortes de raisons : l’orage de mousson a la fâcheuse tendance d’éclater sur le coup de 16h30-17 heures, à la sortie de l’audience, empêchant les motocyclistes de reprendre la route. Pour ceux qui repartent en voiture vers la capitale, la barre des 17 heures est fatidique pour éviter les embouteillages monstres de la capitale.  Le tribunal met à disposition un bus pour le public mais si seules une ou deux personnes s’inscrivent, le transport public n’aura pas lieu. Dans ce cas, l’aller simple coûtera entre 5 et 15 dollars, ce qui n’est évidemment pas à la portée du premier Cambodgien venu.



Le tribunal vu depuis le bâtiment où travaillent les magistrats, les avocats, l'administration... (Anne-Laure Porée)
Le tribunal vu depuis le bâtiment où travaillent les magistrats, les avocats, l'administration... (Anne-Laure Porée)



Les arènes de Kambol

Ce tribunal ressemble à un théâtre. Les arènes de Kambol est un nom qui conviendrait bien. A gauche de la scène siègent les co-procureurs, en robe violet sombre et les nombreux avocats des parties civiles, vêtus de noir. A droite, la défense. Face au public, sur une estrade sont assis les juges, dans leur robe rouge. Sous eux, les greffiers, dans un violet plus vif que celui des co-procureurs. Les juges entrent invariablement par les coulisses à gauche de la scène, « côté jardin ». L’accusé, lui, est introduit « côté cour » et prend place derrière ses avocats ou, à la demande des magistrats, face à eux, dos au public.



Vue depuis l'intérieur du bocal. (POOL CETC-Kong Sovannara)
Vue depuis l'intérieur de la cour. (POOL CETC-Kong Sovannara)



La cour dans un bocal

Une immense paroi vitrée encadrée de rideaux bleu dragée isole les protagonistes du public. L’arrondi renforce l’impression de bocal. Cette paroi de protection isole de tout, en particulier du son, si bien que dans le bocal, personne n’entend par exemple les réactions du public. Côté salle, le public n’entend pas non plus ce qui se dit à l’intérieur, il dépend complètement de la retransmission audio des débats. Des hauts parleurs diffusent la version khmère, et des casques individuels sont mis à disposition avec sur le canal 1 la version khmère, sur le canal 2 la version anglaise et sur le canal 3 l’interprétariat en français. Les interprètes, eux, sont dans des cabines isolées, perchées au-dessus du public.


Pas de photographies des débats

Pourquoi ne verrez-vous jamais d’images du public dans la salle d’audience ? Parce que les photographies sont interdites à l’intérieur du tribunal, y compris aux journalistes accrédités. Seul un photographe de Reuters a été exceptionnellement autorisé à photographier l’intérieur de la salle à l’ouverture du procès de Duch le 17 février 2009.

Ce 17 février (date d’ouverture du procès mais l’audience était technique) et le 30 mars (date d’ouverture des audiences sur le fond) sont les seules dates auxquelles un pool de trois photographes a été autorisé à rentrer dans le bocal pour photographier pendant 5 mn les protagonistes du procès, notamment l’accusé : un photographe d’agence de presse internationale, un photographe de la presse locale cambodgienne et un photographe international tiré au sort. Les images ont ensuite été mises à la disposition de la presse, gratuitement.



A l'intérieur, les photographes sont au plus près des protagonistes. Pendant 5 mn à peine. (POOL CETC)
Les photographes autorisés à faire des photos avant l'arrivée des juges ont à peine 5 mn pour prendre leurs images. (POOL CETC)



En dehors de ces « opportunités photographiques », les photographes n’ont d’autre choix que de faire leurs images hors de la salle d’audience ou sur les écrans de la salle des médias qui retransmettent les débats. Avec de sacrées déceptions quand la caméra n’est pas fixée sur le bon interlocuteur ou quand elle le cadre de travers.


Les hors champs

En dehors de la salle d’audience, les espaces où faire des photos sont assez  limités. Il y a l’arrivée au tribunal, mais attention à ne pas photographier l’espace de contrôle des visiteurs. Il y a le couloir grillagé qui conduit à l’entrée du tribunal où il est normalement interdit de stationner. Il y a un espace de retransmission des débats, près de l’escalier d’accès à la salle du public. Il y a la salle des médias. Il y a la cour, pas celle des juges mais celle des fumeurs et de ceux qui ont besoin de se délasser les jambes. Mais sous le soleil de plomb des mois les plus chauds, le public préfère l’ombre à l’insolation. Cette ombre est offerte par un toit de tôle couvrant les quelques tables de la cantine du public. Une cantine « camping » dont le seul luxe est la présence d’une machine à expresso, que les amateurs de café apprécient.



Le public arrive en bus au tribunal, souvent à l'invitation du tribunal lui-même ou d'ONG. (Anne-Laure Porée)
Le public arrive en bus au tribunal, souvent à l'invitation du tribunal lui-même ou d'ONG. (Anne-Laure Porée)



Un couloir grillagé mène à un escalier qui monte à l'entrée de la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)
Un couloir grillagé mène à un escalier qui monte à l'entrée de la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)




Un chemin grillagé mène à l'entrée de la salle. (Anne-Laure Porée)
Beaucoup d'étudiants viennent assister aux audiences. (Anne-Laure Porée)




En salle de presse, il est possible d'enregistrer le son, les images et photographier les écrans qui retransmettent les débats. (Anne-Laure Porée)
En salle de presse, il est possible d'enregistrer le son, les images et photographier les écrans qui retransmettent les débats. (Anne-Laure Porée)




Les journalistes font leurs interventions en direct depuis l'espace ouvert, devant la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)
Les journalistes font leurs interventions en direct depuis l'espace ouvert, devant la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)



Une collection d’interdits

De toute évidence, un tribunal est un lieu régi par une multitude d’interdits, pas seulement photographiques. Parfois ils sont justifiés, parfois ils s’avèrent ridicules.

Ainsi en est-il de ce Cambodgien à qui un garde de la salle d’audience vient demander de décroiser les jambes. Interdit au public de croiser les jambes ! Autant vous dire que le dit garde s’est fait envoyer paître vertement par ce spectateur furieux.

Un autre Cambodgien, moins prompt à la rébellion, se fait un autre jour redresser par un garde. Il était trop affalé sur son fauteuil.

Combien de personnes ai-je aussi vu se faire réveiller ou secouer par un surveillant parce qu’il est interdit de s’endormir pendant les audiences ! Les juges, eux, doivent compter sur leur propre vigilance. Au Tribunal pénal international pour le Rwanda, un juge avait ainsi été filmé, assoupi, ce qui avait permis à la défense de contester le verdict. Aux CETC, l’équipe audiovisuelle a pour consigne de ne pas filmer un juge qui piquerait du nez mais de se concentrer sur celui qui a la parole.


Le règlement c’est le règlement

Si vous arrivez en cours d’audience et que vous comptez vous installer au premier rang, vous ne pouvez avancer directement à ce rang, vous devez contourner par le haut de la salle et redescendre. Pourquoi ? « Parce que tout le monde fait ça », répond un gardien. Oui, mais pourquoi ? « Parce que vous ne pouvez pas passer devant ». Soit, mais pour quelle raison pratique ou éthique ? « Parce que c’est le règlement ». Fin de la discussion.

Dans les rangs, il est également interdit de lire le journal ou un bouquin. Il peut vous être demandé de le laisser à l’entrée, à côté du portique détecteur de métal avec les cigarettes, les briquets, les bouteilles d’eau, les casse-croûte…

Enfin les gardes veillent à ce que vous respectiez cette règle de vous lever quand les juges entrent dans la salle, jusqu’à ce qu’ils soient assis. De même quand ils en sortent.

C’était quoi S21 ?

Une des cellules individuelles de S21. Les prisonniers y urinaient dans un bidon et faisaient leurs besoins dans une boîte à munitions. (Anne-Laure Porée)
Une des cellules individuelles de S21. Le prisonnier y urinait dans un bidon et faisait ses besoins dans une boîte à munitions. (Anne-Laure Porée)


Le « haut du panier » des prisons khmères rouges. Quand Kar Savuth, l’avocat cambodgien de Duch, plaide la relaxe de son client (le 31 mars 2009) sur les arguments que tant que les 196 autres directeurs de centres de détention khmers rouges ne seront pas poursuivis, il n’y aura pas de justice, et qu’il y a eu moins de morts à S21 que dans d’autres prisons, il omet sciemment cette spécificité sur laquelle pourtant les bourreaux comme les victimes s’accordent : « Nul ne sortait vivant de S21 ». « Y a-t-il des documents qui prouvent que des prisonniers de S21 ont été transférés dans une prison à Battambang ou Kompong Chhnang ? », demande Vann Nath, choqué par l’avocat de la Défense. « Non ! Mais toutes les prisons du Cambodge ont envoyé leurs prisonniers à S21. »


Une zone sous haute sécurité au cœur de Phnom Penh. Contrairement à ce que nombre de personnes imaginent, S21 n’était pas que l’ensemble des 5 bâtiments du lycée Pohnea Yat qui a été transformé en musée du génocide de Tuol Sleng. S21 couvrait une zone délimitée par les boulevards Monivong, Sihanouk et Mao Tse Toung ainsi que par la rue 163 longeant le Wat Mohamontrei.

Autour du lycée, des bâtiments hébergeaient le personnel, l’administration ou bien des détenus importants, et servaient aussi pour les interrogatoires et la torture. Il y avait aussi des lieux d’exécution.

Un certain nombre de services assuraient le fonctionnement de S21 : les sous-sections médicale, cuisine, logistique, tandis que les unités de photographie, défense, interrogatoires, et documentation se concentraient sur les prisonniers.


Des annexes en banlieue de Phnom Penh. Le site de Choeung Ek (à 15 km de Phnom Penh), où furent exécutés une partie des détenus de S21, était sous la responsabilité de Duch ainsi que S24, centre de détention de Prey Sâr.


Un centre de torture. Selon l’ancien directeur, Duch, y étaient combinées les méthodes de la division 703 (pour l’arrestation, l’incarcération et l’exécution des prisonniers) et des méthodes de M13 (pour la torture). Au début de son procès, Duch maintient qu’il avait pour « tache exclusive d’annoter les confessions ».

Parmi les méthodes de torture appliquées à S21 : injures, coups, fouet, bâton, rotin, lacérations, ongles de doigts et de pieds arrachés, décharges électriques, aiguilles enfoncées sous les ongles, sac en plastique sur la tête, eau dans le nez, plonger le prisonnier attaché dans l’eau…


La version institutionnalisée, perfectionnée et urbaine de M13. Le camp M13, installé dans le maquis khmer rouge entre 1970 et 1975, était une prison destinée aux ennemis et aux traîtres. La filiation avec S21 est évidente, outre que Duch en fut le responsable, une partie du personnel de M13 s’est retrouvé à S21, les méthodes de torture furent les mêmes, ainsi que la pratique des confessions. Et les exécutions.


Un centre de purge interne au mouvement khmer rouge. Les statistiques réalisées sur la base des documents retrouvés à S21 et présentés par les co-procureurs le 31 mars 2009, montrent que 78% des détenus venaient de bureaux du gouvernement khmer rouge ou d’unités militaires et mettent en exergue un pic de prisonniers en provenance de la zone Est à la mi-1978. Quand S21 a commencé à fonctionner, ce sont surtout des fonctionnaires du régime de Lon Nol qui ont été détenus et exécutés. Le temps moyen de détention à S21 a été évalué à 61 jours.


Un nom de code. Le S de sécurité (Santebal en khmer) associé au numéro du canal radio de la sécurité, 21. La mise en place de S21 est annoncée à Duch le 15 août 1975, par Son Sen, ministre de la Défense khmer rouge. Duch est nommé vice-président et responsable du groupe des interrogateurs. S21 est opérationnel en octobre 1975, d’après l’ordonnance de renvoi des juges. Duch devient responsable de S21 en mars 1976. Le centre de détention qui a déménagé plusieurs fois dans Phnom Penh, s’installe définitivement dans les locaux de l’ancien lycée en avril 1976.