Duch révoque son avocat français


Dessin d'enfant réalisé sur le site de l'ancienne prison de Kraing Tha Chan. (Anne-Laure Porée)
Dessin d'enfant réalisé sur le site de l'ancienne prison de Kraing Tha Chan. (Anne-Laure Porée)



La demande de révocation date du 30 juin mais n’a été rendue publique que le 9 juillet. Le camouflet est rude pour François Roux qui défendait là le dernier dossier de sa carrière d’avocat. Le Français se refuse à tout commentaire. Seule certitude, il ne sera pas au verdict du 26 juillet. Son ex-collègue cambodgien Kar Savuth, d’abord silencieux, s’exprime sur le programme en khmer de Radio France internationale quelques jours plus tard et explique que son client veut un avocat chinois. « S’il n’est pas chinois, il ne sera pas d’accord’, déclare-t-il. « La Chine est un pays communiste et le régime de Pol Pot était communiste. » Duch chercherait donc un avocat expert en la matière. Il annonce sa couleur…


Une rupture consommée

Bien sûr personne n’a oublié la rupture de novembre 2009 quand Duch fait volte-face à vingt minutes de la fin des plaidoiries. Alors qu’il avait toujours adhéré à la ligne de défense dessinée par François Roux autour du plaidoyer de culpabilité, il demande sa libération à des magistrats médusés. Malgré ce désaveu, l’avocat français refusait de lâcher son client. Il s’en expliquait le lendemain en estimant que Duch était prisonnier d’enjeux qui le dépassent : « Je ne veux pas qu’il paye le prix de ce qui vient de se passer. La démission pourrait être une stratégie. Mais je suis tellement persuadé que ce qui lui a été suggéré va à l’encontre de ses intérêts que tant qu’il ne m’aura pas dit ‘je ne vous veux plus’, j’essayerai de lui éviter le pire. »


Pourquoi maintenant ?
L’accusé a finalement donné le coup de grâce à son conseil français. Mais pourquoi maintenant ? Un observateur du tribunal remarque que « sept mois après la fin des plaidoiries, c’est tard pour se rendre compte qu’on n’a plus confiance dans son avocat ».  Pour Chum Sirath, partie civile contre Duch, il n’y a qu’une seule explication possible : « Le Khmer rouge, il vous passe la main dans le dos, vous endort par des bonnes paroles, il vous manipule, il se sert de vous jusqu’à la fin et à ce moment-là vous demande la permission très gentiment de donner un coup de pioche sur la nuque en expliquant que c’est pour le bien de la nation et du parti. Duch reste Khmer rouge jusqu’au bout et je crois qu’il le fait pour l’histoire. Quand dans cent ans les jeunes Cambodgiens apprendront l’histoire de la période khmère rouge, Duch voudrait être considéré comme un Saint-Just ou comme un Robespierre. »
Au tribunal, le service des relations publiques minimise l’affaire en faisant référence au classique rejet d’un avocat par son client. Inutile d’y chercher un quelconque message politique.


Une révocation en forme de message politique ?

Des experts pourtant décryptent l’affaire autrement. Première interprétation : cette révocation, c’est-à-dire Duch qui congédie son avocat français, est la métaphore d’un gouvernement cambodgien prêt à lâcher la partie internationale si le tribunal inculpe d’autres personnes. Ne jugez pas au-delà des quatre anciens leaders déjà inculpés, voisins de cellule de Duch. Une position maintes fois affichée par le gouvernement cambodgien. Rappelez-vous les déclarations de Khieu Kanharith à l’adresse des internationaux. En substance : s’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à partir… Pour Raoul Marc Jennar, « les Cambodgiens veulent régler ça entre eux avec le consentement passif des étrangers. Mais ceux qui s’emploient à transformer ces procès en farce juridique porteront devant l’histoire la responsabilité d’avoir ridiculisé les procès de Phnom Penh. »


Appel en préparation

Deuxième interprétation : cette révocation incarne le rejet par Duch de la stratégie morale et humaniste de François Roux afin de revenir sur le terrain politique du responsable mais pas coupable. Martine Jacquin, avocate des parties civiles, proteste devant cette ligne de défense : « Duch était un acteur très important car il a mis au point le système de la terreur, il a complètement adhéré au régime politique des Khmers rouges. Il était un acteur-clé, pas un petit pion chargé des exécutions. »
Si cette révocation n’a aucun effet sur la procédure (elle ne la ralentit pas), en revanche elle laisse entendre que Duch fera appel de sa condamnation.

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