Khieu Samphan demande que ses témoins soient entendus


Khieu Samphan s'exprime en s'adressant surtout au public de la salle d'audience qui était pleine. (Anne-Laure Porée)


Avant que Khieu Samphan ne s’exprime, l’avocat de Nuon Chea, Victor Koppe profite de l’audience sur la liste des témoins pour déplorer les procédures adoptées jusqu’ici, comme l’impossibilité pour les avocats de la défense d’assister à l’audition des témoins pendant l’instruction ou l’interdiction à la défense de conduire sa propre enquête. Nuon Chea voulait une enquête sur le rôle du Vietnam avant, pendant et après le régime khmer rouge, insiste-t-il, il voulait une enquête sur les conséquences des bombardements américains, une enquête sur une éventuelle crise alimentaire avant la prise du pouvoir par les Khmers rouges, une enquête sur le rôle des commandants de la zone Est, une enquête sur la fiabilité du témoignage de Duch [ex-directeur du centre d’extermination S21, qui a travaillé sous l’autorité de Nuon Chea]. Ces demandes n’auraient pas abouti.


Les provocations de Victor Koppe
Victor Koppe choisit un exemple concret, celui de monsieur X (il n’a pas le droit de citer le nom à ce stade de la procédure), pour démontrer que la défense n’a pas été suivie. Monsieur X était membre des Khmers rouges, il a fui au Vietnam et est connu pour avoir été le premier Premier ministre de la république populaire du Kampuchea. L’homme est évidemment identifiable, le procureur bondit, le président interrompt l’avocat de la défense. Un témoin ne doit pas être identifiable. Victor Koppe polémique encore. William Smith met un terme au discours de la défense en s’adressant aux juges : «Vous perdrez le contrôle de ce procès si vous permettez aux parties de prononcer des discours sans respecter les directives que vous leur avez données.»


Khieu Samphan promet de coopérer
Le président n’a pas l’intention de laisser faire ce genre d’intervention, il retire la parole à Victor Koppe. Il fait de même un peu plus tard avec Silke Studzinsky, avocate des parties civiles, elle aussi hors-sujet.
Khieu Samphan lui, reste dans le sujet. Il se lève, visiblement beaucoup plus en forme que ses voisins. Il s’adresse respectueusement à la cour et au public, il salue les bonzes assis en nombre dans le public. Il est le premier des quatre accusés à prendre la parole quelques minutes pour évoquer son cas. «J’attends ce moment depuis bien longtemps» confie-t-il à l’audience. Il promet de coopérer avec la mission du tribunal tant que sa santé le permettra. «Je ne sais pas tout mais je contribuerai au mieux de mes connaissances et de mes capacités.» C’est la voix d’un vieil homme qui résonne, mais c’est une voix sûre d’elle, ferme et décidée.


Il plaide discrètement l’innocence
«J’ai lu la liste et j’ai remarqué que la plupart des témoins sur la liste ont été proposés par les co-procureurs. Il n’y a que très peu de témoins que j’ai proposés. Et des témoins que nous avions proposés font maintenant partie de la liste des co-procureurs, ils deviennent des témoins à charge plutôt que des témoins à décharge.»
Habile orateur, il glisse que sa contribution vise à rechercher la vérité, garantir l’équité du procès et établir son innocence. Dans le public, les étudiants notent ses propos. «Les témoins que je propose sont des témoins qui me connaissent très bien, qui ont été mes proches et qui savaient très bien que je ne ferais rien. Ils peuvent dire qui j’étais.» Il insiste : entendre ces témoins est fondamental. Il remercie les juges de l’avoir écouté, ses compatriotes et les bonzes assis dans la galerie publique. Un dernier regard vers le public, un salut traditionnel et Khieu Samphan se rassoit.


Une lueur d’espoir
Parmi les Cambodgiens venus à l’audience, certains estiment qu’il joue la carte de la coopération pour atténuer sa peine. D’autres sont moins tranchés. Phalla, 18 ans, assiste pour la quatrième fois à une audience du tribunal. Elle trouve Khieu Samphan éloquent : «Il parle très bien, il parle comme un dirigeant». Ses amies, elles, ont été surprises de voir l’ancien Khmer rouge s’adresser au public. «Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi il a fait beaucoup de mal.» Tout près, Om Rouh, 82 ans, s’emporte : «Khieu Samphan n’a pas fait de mal, c’est un homme bien, ce sont les autres qui l’accusent. Le coupable c’est Ieng Sary le Vietnamien.» Em Oeun, partie civile, est lui convaincu que Khieu Samphan ne joue pas. «Je crois qu’il va dire la vérité.» Elisabeth Simmoneau Fort confirme ce sentiment partagé par les victimes quelle représente : «Toute déclaration qui va dans le sens d’une explication fait plaisir aux parties civiles. C’est un espoir, une porte ouverte qui correspond à leurs attentes.»

Une réponse sur “Khieu Samphan demande que ses témoins soient entendus”

  1. A l’instar des autres régimes communistes, c’est la même pratique dans le système de Pol Pot. Le secrétaire général du parti, en l’occurrence Saloth Sâr, alias Pol Pot, dispose de tous les pouvoirs,aidé en cela par quelques membres influents du parti, tels que Nuon Chea, Ieng Sary, Son Sen ou Ta Mok. Le chef de l’Etat, en la personne de Khieu Samphân, ne joue qu’un rôle protocolaire, comme dans un régime parlementaire classique, sans réel pouvoir. Les grandes choix politiques se décident en chambre, soit par Pol Pot tout seul, soit dans un cercle très restreint. Si on pouvait emprunter le métaphore d’un ministre socialiste français, Khieu Samphân est responsable, pas coupable …….

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