François Bizot, chercheur de l’Ecole française d’Extrême-Orient détenu à M13 entre octobre et décembre 1971, a fait le récit de sa détention dans Le Portail, un roman autobiographique.
Au cours de son témoignage devant le tribunal de Phnom Penh les 8 et 9 avril 2009, il reviendra plusieurs fois sur les conditions dans lesquelles il a rédigé son livre en 2000, expliquant : « je n’ai pas sollicité ma mémoire consciente. Dans ce livre, j’ai parlé d’un ressenti ».
François Bizot prend donc des précautions verbales pour témoigner. Il reconnaît par exemple ne pas se souvenir des termes précis employés par Duch lors de leur dernière discussion à la veille de sa libération. « Je n’ai pas entendu Duch exprimer de remords. Je crois me rappeler de la grande gêne de Duch. » L’ancien directeur de M13 n’a donc peut-être pas dit que son travail le faisait précisément « vomir » (terme employé par le témoin la veille) mais François Bizot a bien senti qu’il s’agissait d’un travail « qu’il était obligé de faire en se forçant, en en faisant un devoir. »
Le procureur insiste : « On n’a pas forcément à se forcer à faire un devoir. Etait-ce une impression de votre part plutôt que quelque chose de dit ? » « Il m’a dit que c’était un travail qui lui revenait », répond François Bizot. « Comme j’ai écrit ce livre, ma mémoire s’est vidée », explique-t-il ensuite avant de répéter sa certitude que Duch accomplissait son travail sans plaisir, « comme une obligation parce que les prisonniers ne diraient pas la vérité eux-mêmes. »
Les questions du procureur s’achèvent sur la « blague » que Duch a faite à François Bizot, en français, lui faisant croire qu’il avait été démasqué comme espion avant de lui annoncer, après avoir vu le chercheur s’effondrer à genoux, qu’il serait en fait libéré.
Robert Petit se réfère à une autre anecdote du livre de François Bizot mais le chercheur ne peut répondre et lâche, avec embarras : « J’aurais dû relire mon livre avant de venir parce que je ne me souviens plus de ce que j’ai écrit ».