Un procès a minima ?

Recueillement au charnier de Chœung Ek à la veille de l'ouverture des audiences au fond. (Anne-Laure Porée)

A quatre jours des audiences, les juges ont en effet annoncé que Ieng Thirith, 79 ans, ancienne ministre de l’Action sociale atteinte d’une maladie dégénérative de type Alzheimer, était inapte à être jugée. Si son état de santé fait peu débat, en revanche sa libération, logique d’un point de vue juridique, est inacceptable et incompréhensible pour la population. Les Cambodgiens n’ont pas oublié les hôpitaux mouroirs dont elle avait la charge… Les juges cambodgiens s’affichent en accord avec l’opinion publique. Ils proposent l’hospitalisation de l’accusée, espérant que son état s’améliore, puis une réévaluation de ses capacités dans six mois. Les juges internationaux insistent pourtant : la santé de l’accusée Ieng Thirith ne s’améliorera pas. Les procureurs ont fait appel de la décision concernant Ieng Thirith. Une décision sur son cas sera rendue d’ici à deux semaines mais au final, à l’ouverture des procès, le nombre d’accusés est réduit à trois.
Autre défi pour les magistrats : faire comprendre leur choix de disjoindre le procès en plusieurs dossiers, par souci d’efficacité. Au regard de l’âge des accusés (80 ans pour l’ancien chef de l’Etat, Khieu Samphan, 85 ans pour l’ancien bras droit de Pol Pot, Nuon Chea, et 86 ans pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ieng Sary), nombre d’avocats estiment que ce premier dossier risque d’être le seul à aboutir. Or il ne vise que les crimes commis pendant les déplacements forcés de population entre 1975 et 1976. Le génocide, les persécutions religieuses, les mariages forcés, le travail forcé, les crimes commis dans les prisons seront-ils traités ? Peut-être, peut-être pas. Plusieurs avocats des parties civiles considèrent en tout état de cause que le “saucissonnage” nuira à une compréhension globale du crime et réclament, comme les procureurs, un procès plus symbolique des faits et de l’histoire.
Les audiences s’ouvrent enfin dans le climat peu serein de ces derniers mois. Les parties civiles bataillent pour défendre leur place. Elles se sont vu refuser par les juges une intervention de 30 minutes à la suite des deux journées pendant lesquelles les procureurs évoqueront les charges retenues contre chaque accusé. Autre élément de tension : la défense dénonce les interférences politiques cambodgiennes. Après la démission tonitruante du juge d’instruction Blunk début octobre, qui justifiait son départ par les interférences politiques du gouvernement cambodgien, les avocats de Nuon Chea ont porté plainte contre 11 officiels cambodgiens, égratignant un peu plus l’image du tribunal déjà perçu comme lent et confus. Ce faisant, ils passaient sous silence les fautes imputables au juge démissionnaire.

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