C’était quoi S21 ?

Une des cellules individuelles de S21. Les prisonniers y urinaient dans un bidon et faisaient leurs besoins dans une boîte à munitions. (Anne-Laure Porée)
Une des cellules individuelles de S21. Le prisonnier y urinait dans un bidon et faisait ses besoins dans une boîte à munitions. (Anne-Laure Porée)


Le « haut du panier » des prisons khmères rouges. Quand Kar Savuth, l’avocat cambodgien de Duch, plaide la relaxe de son client (le 31 mars 2009) sur les arguments que tant que les 196 autres directeurs de centres de détention khmers rouges ne seront pas poursuivis, il n’y aura pas de justice, et qu’il y a eu moins de morts à S21 que dans d’autres prisons, il omet sciemment cette spécificité sur laquelle pourtant les bourreaux comme les victimes s’accordent : « Nul ne sortait vivant de S21 ». « Y a-t-il des documents qui prouvent que des prisonniers de S21 ont été transférés dans une prison à Battambang ou Kompong Chhnang ? », demande Vann Nath, choqué par l’avocat de la Défense. « Non ! Mais toutes les prisons du Cambodge ont envoyé leurs prisonniers à S21. »


Une zone sous haute sécurité au cœur de Phnom Penh. Contrairement à ce que nombre de personnes imaginent, S21 n’était pas que l’ensemble des 5 bâtiments du lycée Pohnea Yat qui a été transformé en musée du génocide de Tuol Sleng. S21 couvrait une zone délimitée par les boulevards Monivong, Sihanouk et Mao Tse Toung ainsi que par la rue 163 longeant le Wat Mohamontrei.

Autour du lycée, des bâtiments hébergeaient le personnel, l’administration ou bien des détenus importants, et servaient aussi pour les interrogatoires et la torture. Il y avait aussi des lieux d’exécution.

Un certain nombre de services assuraient le fonctionnement de S21 : les sous-sections médicale, cuisine, logistique, tandis que les unités de photographie, défense, interrogatoires, et documentation se concentraient sur les prisonniers.


Des annexes en banlieue de Phnom Penh. Le site de Choeung Ek (à 15 km de Phnom Penh), où furent exécutés une partie des détenus de S21, était sous la responsabilité de Duch ainsi que S24, centre de détention de Prey Sâr.


Un centre de torture. Selon l’ancien directeur, Duch, y étaient combinées les méthodes de la division 703 (pour l’arrestation, l’incarcération et l’exécution des prisonniers) et des méthodes de M13 (pour la torture). Au début de son procès, Duch maintient qu’il avait pour « tache exclusive d’annoter les confessions ».

Parmi les méthodes de torture appliquées à S21 : injures, coups, fouet, bâton, rotin, lacérations, ongles de doigts et de pieds arrachés, décharges électriques, aiguilles enfoncées sous les ongles, sac en plastique sur la tête, eau dans le nez, plonger le prisonnier attaché dans l’eau…


La version institutionnalisée, perfectionnée et urbaine de M13. Le camp M13, installé dans le maquis khmer rouge entre 1970 et 1975, était une prison destinée aux ennemis et aux traîtres. La filiation avec S21 est évidente, outre que Duch en fut le responsable, une partie du personnel de M13 s’est retrouvé à S21, les méthodes de torture furent les mêmes, ainsi que la pratique des confessions. Et les exécutions.


Un centre de purge interne au mouvement khmer rouge. Les statistiques réalisées sur la base des documents retrouvés à S21 et présentés par les co-procureurs le 31 mars 2009, montrent que 78% des détenus venaient de bureaux du gouvernement khmer rouge ou d’unités militaires et mettent en exergue un pic de prisonniers en provenance de la zone Est à la mi-1978. Quand S21 a commencé à fonctionner, ce sont surtout des fonctionnaires du régime de Lon Nol qui ont été détenus et exécutés. Le temps moyen de détention à S21 a été évalué à 61 jours.


Un nom de code. Le S de sécurité (Santebal en khmer) associé au numéro du canal radio de la sécurité, 21. La mise en place de S21 est annoncée à Duch le 15 août 1975, par Son Sen, ministre de la Défense khmer rouge. Duch est nommé vice-président et responsable du groupe des interrogateurs. S21 est opérationnel en octobre 1975, d’après l’ordonnance de renvoi des juges. Duch devient responsable de S21 en mars 1976. Le centre de détention qui a déménagé plusieurs fois dans Phnom Penh, s’installe définitivement dans les locaux de l’ancien lycée en avril 1976.





4 réponses sur “C’était quoi S21 ?”

  1. Madame,
    Très intéressé par votre blog et vos compte-rendus du procès, j’aimerais vous rencontrer lors d’un voyage que j’effectue au Cambodge du 5 février au 16 mars 2011. Je suis photographe et veux réaliser un travail sur la mémoire et:ou l’absence de mémoire.
    Votre expérience du pays et du procès me permettraient sûrement de mieux cerner le problème.
    Par avance, merci

  2. Bonjour,

    Je reviens sur votre blog. Est-ce que le procès des Kmers Rouges est terminé ? Je trouve votre travail très intéressant. Est-ce que le film sur le Dr Ngor est disponible sur internet ?

    Merci pour une réponse,
    Cordialement,
    Yasmine Payet-Sartre.

  3. Bonjour,
    Pardon de répondre avec beaucoup de retard à votre mot. Le procès des Khmers rouges n’est pas terminé même si les dernières audiences du cas 002/02 contre Nuon Chea et Khieu Samphan ont eu lieu en janvier 2017. Le jugement est attendu pour ce volet du procès et il y aura probablement des appels, donc on ne peut pas dire à ce jour que c’est terminé. Pour ce qui concerne le film sur le Dr Ngor, je ne sais pas s’il est disponible sur internet.

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