Le co-procureur Alex Bates demande aux magistrats une décision pour savoir comment doivent être présentés les documents en audience. Il lance ainsi un débat avec François Roux qui réagit vivement, sur le mode de l’invasion de documents. Un problème qu’il a déjà à plusieurs reprises souligné au sein du tribunal.
« Nous étions il y a une semaine avec Me Silke Studzinsky et Me Karim Khan au séminaire de la Cour pénale internationale en présence de hauts magistrats. Je leur ai dit : Je fais un rêve. Je rêve que devant les juridictions pénales internationales les procureurs arrêtent de nous inonder de documents parfaitement inutiles. Il y a dix ans que je fréquente les juridictions pénales internationales et c’est toujours la même chose ! Parce qu’il n’y a aucune hiérarchie établie par les procureurs dans l’important par rapport à l’accessoire. Quand vous réalisez tous les documents que les procureurs voudraient, on dit en français : ‘ça donne le tournis’. A-t-on vraiment besoin de tous ces documents ? » Selon François Roux, cette mauvaise habitude des procureurs est en grande partie responsable de la longueur des procédures dans les tribunaux pénaux internationaux. « Dans ma culture juridique, on m’a appris trois qualités : être clair, net et précis. Vouloir absolument verser au dossier sans aucun tri entre l’essentiel et l’accessoire, c’est tout l’inverse du clair, net, précis. »
Après avoir demandé aux juges d’adopter la règle 85 qui autorise le président à rejeter tout ce qui ralentit les débats, l’avocat français souligne que si la défense a bien accepté le principe du résumé en une page de 200 articles de presse consacré au conflit armé entre le Cambodge et le Vietnam, c’était pour éviter la redondance et la traduction inutile de 200 documents qui parlent de la même chose. « Mon rêve aurait été que le bureau des co-procureurs fasse une sélection des plus importants. […] Avez-vous besoin de 200 articles de presse pour savoir qu’il y a eu un conflit armé entre le Cambodge et le Vietnam ? Je vous demande d’utiliser la règle 85. Ils ne peuvent pas ensevelir les débats sous des tonnes de documents. »
A la suite de cette déclaration, Alex Bates soutient que la démarche des co-procureurs va dans le sens d’une justice équitable et rapide. François Roux intervient une dernière fois : « Qu’est-ce qui est plus intéressant pour nous aujourd’hui ? Commenter des tonnes et des tonnes de documents ou donner la parole aux victimes et aux parties civiles. Il y a des témoins qui attendent de venir. Personnellement je pense que c’est plus utile que d’inonder la chambre de documents. »