Les images possibles et impossibles du tribunal


Le tribunal a autorisé les prises de vue dans la salle du public seulement une fois, le 17 février 2009. (POOL CETC-Reuters)
Le tribunal a autorisé les prises de vue dans la salle du public seulement une fois, le 17 février 2009. (POOL CETC-Reuters)


Loin de Phnom Penh

Le tribunal a été construit à Kambol, en périphérie de Phnom Penh, au-delà de l’aéroport, à 16 km environ du centre-ville, sur un terrain de l’état-major cambodgien. Il faut compter autour de 45 mn pour s’y rendre en moto sans forcer sur l’accélérateur et en tenant compte d’une circulation dense aux heures matinales. Le retour peut prendre bien plus longtemps pour toutes sortes de raisons : l’orage de mousson a la fâcheuse tendance d’éclater sur le coup de 16h30-17 heures, à la sortie de l’audience, empêchant les motocyclistes de reprendre la route. Pour ceux qui repartent en voiture vers la capitale, la barre des 17 heures est fatidique pour éviter les embouteillages monstres de la capitale.  Le tribunal met à disposition un bus pour le public mais si seules une ou deux personnes s’inscrivent, le transport public n’aura pas lieu. Dans ce cas, l’aller simple coûtera entre 5 et 15 dollars, ce qui n’est évidemment pas à la portée du premier Cambodgien venu.



Le tribunal vu depuis le bâtiment où travaillent les magistrats, les avocats, l'administration... (Anne-Laure Porée)
Le tribunal vu depuis le bâtiment où travaillent les magistrats, les avocats, l'administration... (Anne-Laure Porée)



Les arènes de Kambol

Ce tribunal ressemble à un théâtre. Les arènes de Kambol est un nom qui conviendrait bien. A gauche de la scène siègent les co-procureurs, en robe violet sombre et les nombreux avocats des parties civiles, vêtus de noir. A droite, la défense. Face au public, sur une estrade sont assis les juges, dans leur robe rouge. Sous eux, les greffiers, dans un violet plus vif que celui des co-procureurs. Les juges entrent invariablement par les coulisses à gauche de la scène, « côté jardin ». L’accusé, lui, est introduit « côté cour » et prend place derrière ses avocats ou, à la demande des magistrats, face à eux, dos au public.



Vue depuis l'intérieur du bocal. (POOL CETC-Kong Sovannara)
Vue depuis l'intérieur de la cour. (POOL CETC-Kong Sovannara)



La cour dans un bocal

Une immense paroi vitrée encadrée de rideaux bleu dragée isole les protagonistes du public. L’arrondi renforce l’impression de bocal. Cette paroi de protection isole de tout, en particulier du son, si bien que dans le bocal, personne n’entend par exemple les réactions du public. Côté salle, le public n’entend pas non plus ce qui se dit à l’intérieur, il dépend complètement de la retransmission audio des débats. Des hauts parleurs diffusent la version khmère, et des casques individuels sont mis à disposition avec sur le canal 1 la version khmère, sur le canal 2 la version anglaise et sur le canal 3 l’interprétariat en français. Les interprètes, eux, sont dans des cabines isolées, perchées au-dessus du public.


Pas de photographies des débats

Pourquoi ne verrez-vous jamais d’images du public dans la salle d’audience ? Parce que les photographies sont interdites à l’intérieur du tribunal, y compris aux journalistes accrédités. Seul un photographe de Reuters a été exceptionnellement autorisé à photographier l’intérieur de la salle à l’ouverture du procès de Duch le 17 février 2009.

Ce 17 février (date d’ouverture du procès mais l’audience était technique) et le 30 mars (date d’ouverture des audiences sur le fond) sont les seules dates auxquelles un pool de trois photographes a été autorisé à rentrer dans le bocal pour photographier pendant 5 mn les protagonistes du procès, notamment l’accusé : un photographe d’agence de presse internationale, un photographe de la presse locale cambodgienne et un photographe international tiré au sort. Les images ont ensuite été mises à la disposition de la presse, gratuitement.



A l'intérieur, les photographes sont au plus près des protagonistes. Pendant 5 mn à peine. (POOL CETC)
Les photographes autorisés à faire des photos avant l'arrivée des juges ont à peine 5 mn pour prendre leurs images. (POOL CETC)



En dehors de ces « opportunités photographiques », les photographes n’ont d’autre choix que de faire leurs images hors de la salle d’audience ou sur les écrans de la salle des médias qui retransmettent les débats. Avec de sacrées déceptions quand la caméra n’est pas fixée sur le bon interlocuteur ou quand elle le cadre de travers.


Les hors champs

En dehors de la salle d’audience, les espaces où faire des photos sont assez  limités. Il y a l’arrivée au tribunal, mais attention à ne pas photographier l’espace de contrôle des visiteurs. Il y a le couloir grillagé qui conduit à l’entrée du tribunal où il est normalement interdit de stationner. Il y a un espace de retransmission des débats, près de l’escalier d’accès à la salle du public. Il y a la salle des médias. Il y a la cour, pas celle des juges mais celle des fumeurs et de ceux qui ont besoin de se délasser les jambes. Mais sous le soleil de plomb des mois les plus chauds, le public préfère l’ombre à l’insolation. Cette ombre est offerte par un toit de tôle couvrant les quelques tables de la cantine du public. Une cantine « camping » dont le seul luxe est la présence d’une machine à expresso, que les amateurs de café apprécient.



Le public arrive en bus au tribunal, souvent à l'invitation du tribunal lui-même ou d'ONG. (Anne-Laure Porée)
Le public arrive en bus au tribunal, souvent à l'invitation du tribunal lui-même ou d'ONG. (Anne-Laure Porée)



Un couloir grillagé mène à un escalier qui monte à l'entrée de la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)
Un couloir grillagé mène à un escalier qui monte à l'entrée de la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)




Un chemin grillagé mène à l'entrée de la salle. (Anne-Laure Porée)
Beaucoup d'étudiants viennent assister aux audiences. (Anne-Laure Porée)




En salle de presse, il est possible d'enregistrer le son, les images et photographier les écrans qui retransmettent les débats. (Anne-Laure Porée)
En salle de presse, il est possible d'enregistrer le son, les images et photographier les écrans qui retransmettent les débats. (Anne-Laure Porée)




Les journalistes font leurs interventions en direct depuis l'espace ouvert, devant la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)
Les journalistes font leurs interventions en direct depuis l'espace ouvert, devant la salle d'audience. (Anne-Laure Porée)



Une collection d’interdits

De toute évidence, un tribunal est un lieu régi par une multitude d’interdits, pas seulement photographiques. Parfois ils sont justifiés, parfois ils s’avèrent ridicules.

Ainsi en est-il de ce Cambodgien à qui un garde de la salle d’audience vient demander de décroiser les jambes. Interdit au public de croiser les jambes ! Autant vous dire que le dit garde s’est fait envoyer paître vertement par ce spectateur furieux.

Un autre Cambodgien, moins prompt à la rébellion, se fait un autre jour redresser par un garde. Il était trop affalé sur son fauteuil.

Combien de personnes ai-je aussi vu se faire réveiller ou secouer par un surveillant parce qu’il est interdit de s’endormir pendant les audiences ! Les juges, eux, doivent compter sur leur propre vigilance. Au Tribunal pénal international pour le Rwanda, un juge avait ainsi été filmé, assoupi, ce qui avait permis à la défense de contester le verdict. Aux CETC, l’équipe audiovisuelle a pour consigne de ne pas filmer un juge qui piquerait du nez mais de se concentrer sur celui qui a la parole.


Le règlement c’est le règlement

Si vous arrivez en cours d’audience et que vous comptez vous installer au premier rang, vous ne pouvez avancer directement à ce rang, vous devez contourner par le haut de la salle et redescendre. Pourquoi ? « Parce que tout le monde fait ça », répond un gardien. Oui, mais pourquoi ? « Parce que vous ne pouvez pas passer devant ». Soit, mais pour quelle raison pratique ou éthique ? « Parce que c’est le règlement ». Fin de la discussion.

Dans les rangs, il est également interdit de lire le journal ou un bouquin. Il peut vous être demandé de le laisser à l’entrée, à côté du portique détecteur de métal avec les cigarettes, les briquets, les bouteilles d’eau, les casse-croûte…

Enfin les gardes veillent à ce que vous respectiez cette règle de vous lever quand les juges entrent dans la salle, jusqu’à ce qu’ils soient assis. De même quand ils en sortent.

3 réponses sur “Les images possibles et impossibles du tribunal”

  1. Bonjour,

    A Phnom Penh pour quelques semaines, j’aurais souhaité assister à une audience.

    Je connaissais une Anne Laure Poree sur Paris, qui a participé à Enfants du Nepal, si c’est toi, ce serait sympa qu’on se croise sur Phnom Penh.
    Et s’il s’agit d’un homonyme, peut-être aurons-nous quand même l’occasion de se croiser au tribunal.

    Cordialement,

  2. Bonjour

    Je viens de lire avec grand interet vos articles… merci beaucoup pour ces comptes-rendus!
    J’aimerais toutefois assister à une audience, est-il possible de venir sans s’inscrire? quels sont les horaires?
    Avec tous mes remerciements

    Estelle

  3. Bonjour,

    Merci beaucoup pour cet article. Savez-vous s’il est possible de consulter le règlement des enregistrements audio et vidéo ? (La loi et les règles internes des CETC (documents disponibles sur le site) ne précisent pas de réglementation audiovisuelle…).
    Merci d’avance,
    Juliette

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