Une jeune Cambodgienne expérimente le dessin de procès


Dalin à la sortie du tribunal. (Anne-Laure Porée)
Dalin à la sortie du tribunal. (Anne-Laure Porée)


Au deuxième rang de la salle d’audience, une jeune fille en chemise bleue d’écolière et sandales de paillettes argentées a placé sur ses genoux un paquet de feuilles blanches et une boîte à crayon métallique. Elle se concentre, son regard fait des aller-retour sur l’écran qui retransmet l’image en gros-plan de l’accusé tandis que son crayon court sur la feuille. Elle hésite, elle gomme, elle reprend. A la fin de la journée, elle a esquissé quelques portraits (Duch, un juge, un co-procureur…) de face ou de profil, plus ou moins serrés, et croqué une scène plus large où un homme siège face aux juges. En l’espace de cette seule journée, le regard s’est affuté, le coup de crayon a gagné en assurance. Pour Dalin, l’expérience est réussie.


A 18 ans, cette Cambodgienne timide et douée, met pour la première fois les pieds dans un tribunal. Pour la première fois aussi, elle s’attaque à un dessin très particulier, loin de la reproduction ou de la mise sur papier d’une scène imaginaire. « C’est difficile de dessiner parce qu’il y a toujours du mouvement, jamais de pose », explique-t-elle à la sortie du tribunal. Cependant elle explore ce nouveau champ avec plaisir et sérieux.


Elle doit sa présence au tribunal à quelques circonstances heureuses. D’abord l’association Taramana, qui organise le parrainage d’enfants défavorisés, repère son talent lors d’un concours de dessin entre les enfants parrainés. Elle décroche le premier prix à l’unanimité. Son talent impressionne. Elle est alors encouragée par son entourage à le travailler et l’approfondir. Dans cette affaire, elle reçoit le soutien inconditionnel de sa mère et de sa grand-mère. « Elles veulent que j’étudie ce que j’aime pour avoir un bon avenir et être capable de subvenir à mes besoins. » Le soutien financier de son parrain lui a rendu l’espoir de réaliser son rêve de devenir architecte ou designer. « Ce sont des métiers populaires dans mon école », glisse-t-elle en évoquant son envie de concevoir des bâtiments. Comme le pays se développe, cet avenir devient possible. En parallèle de ses études en classe de 12e, l’équivalent d’une classe de terminale, elle se prépare donc en suivant des cours à l’Université royale des beaux-arts où elle compte entrer l’année prochaine comme étudiante.


L’idée des dessins de procès vient d’un Français en stage aux CETC et de son contact avec les membres de Taramana. Ensemble, ils accompagnent ce lundi matin la jolie Dalin au procès de Duch. Dans l’enceinte du tribunal, en entendant les magistrats décortiquer la période khmère rouge, la jeune fille se souvient des récits de sa grand-mère et de sa mère sur le régime de Pol Pot, sur la survie, sur les morts dans la famille. Elle fait le lien avec l’histoire des siens. Et déterminée à construire son avenir, elle dessine.

2 réponses sur “Une jeune Cambodgienne expérimente le dessin de procès”

  1. Merci Anne-Laure pour cette article, en espérant que cette journée puisse aider Dalin et qu’il ne s’agit là que d’un début. Au plaisir, Brice

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *